Quel est le dénouement de cette lutte européenne, dont la guerre de trente ans devint un si notable épisode ? L’équilibre entre les deux partis, entre les deux religions, qui reconnaissent enfin la nécessité de se supporter mutuellement. Le catholicisme conserva beaucoup de son empire, et le protestantisme acquit l’égalité.
Ainsi la tentative de la papauté romaine, d’étendre sur toute la chrétienté une théocratie spirituelle qui fasse accepter ses lois à toutes les sociétés politiques ; cette tentative, si longuement préparée depuis Grégoire Ier jusqu’à Grégoire VII, si brillante jusqu’à la mort d’Innocent III, déjà si vivement contestée par Frédéric II de Hohenstaufen, qu’ébranlent les conciles et les papes eux-mêmes, que nie expressément Luther, se débat pendant un siècle et demi, transige, et ne sauve la moitié de ses intérêts et quelques-unes de ses prétentions qu’à la condition d’abdiquer le monde et l’avenir.
Nous ne pouvons nous refuser à une observation sur les rapports de la papauté avec la France. Vis-à-vis de Rome, l’ancienne monarchie a su rester tout ensemble libre et catholique. Elle n’entre pas dans la querelle du sacerdoce et de l’empire, elle est respectueuse envers les papes, mais indépendante ; et il se trouve que c’est elle qui leur cause les plus violens déplaisirs. Innocent III meurt de la fièvre que lui donne le départ du fils de Philippe-Auguste pour l’Angleterre, malgré ses ordres. Grégoire IX essuie de la part de saint Louis le refus d’une hospitalité que le roi et ses barons estiment dangereuse. Philippe-le-Bel brise Boniface VIII. Richelieu fait de la politique romaine un instrument. Louis XIV est inexorable, et dompte avec son orgueil la superbe du Vatican. Les parlemens, tantôt de concert avec le clergé, tantôt malgré lui, défendent l’indépendance de la couronne et les libertés de l’église nationale. Et cependant la France reste catholique, elle ne se sépare pas ; si elle semble tentée un instant de tremper dans la réforme du xvie siècle, elle revient sur ses pas, elle revient à l’unité ; elle fait tomber, par le bras de Richelieu, les murs de La Rochelle et les premiers commencemens d’une confédération aristocratique ; elle se sauve d’un schisme partiel, et se réserve tout entière pour la révolution sociale de 1789.
Nous avons entendu des Allemands se féliciter de ce que la réforme de Luther avait préservé jusqu’à présent l’Allemagne des tentations d’une révolution politique ; nous, nous féliciterons la France d’avoir passé d’un seul bond de l’unité catholique et monarchique à l’unité philosophique, et démocratique.
Il faut regretter que M. Ranke n’ait pas étudié le travail moral et