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tiques à aucun journal, il évitera l’inconvénient qu’il a maintes fois éprouvé, celui de se voir attribuer des vues qui ne sont pas les siennes, ou qui pourraient ne l’être plus.

La Charte de 1830 nous dit encore que, dans toutes les affaires diplomatiques, la discrétion est le premier devoir et la garantie du succès. C’est notre avis ; nous sommes convaincus que ce secret ne saurait être trop religieusement gardé, et nous voudrions même qu’il le fût mieux encore, s’il se pouvait. Mais les affaires diplomatiques sont de deux sortes : l’une, qui doit rester dans le mystère le plus absolu ; l’autre, dont la divulgation est une nécessité. L’affaire belge est de ce genre, en partie du moins. Cela est si vrai, que le ministère anglais, le ministère français, ainsi que le roi de Hollande, se sont hâtés, comme à l’envi, de divulguer la communication faite dernièrement par ce souverain à la conférence de Londres. C’est que, de part et d’autre, chacune des puissances sentait qu’elle n’arriverait à son but qu’en s’emparant de l’opinion, et le gouvernement français plus que tout autre, lui qui avait à lutter, en France et en Belgique, contre des idées exagérées selon nous, mais puissantes, mais populaires, mais presque nationales. Voilà pourquoi M. Molé, qui est un ministre entendu, devait tenir à ce que le traité du 15 novembre, traité qui lie la France et l’Angleterre, ne fût ni méconnu, ni contesté. Nous avons dit que, sous le point de vue de la délimitation du territoire belge et hollandais, il serait imprudent et malhabile, à la France comme à la Belgique, de le contester. Cette pensée est-elle venue aussi à M. Molé ? Nous l’ignorons, mais nous savons qu’à sa place elle nous viendrait. Quant à nous, nous l’avons dite tout uniment, d’abord parce que c’est notre conviction, puis, parce que nous ne sommes pas ministres. Assurément, si quelqu’un a compromis le ministère en tout ceci, c’est la Charte de 1830, avec son langage officiel et ses dénégations embarrassées.

Cette pensée, que nous avons exprimée, est encore la nôtre, et, que le ministère l’adopte, qu’il la conserve ou qu’il l’abandonne, notre avis est qu’elle prévaudra. Le traité du 15 novembre, invoqué par le roi de Hollande, ne peut être anéanti par notre bon plaisir. Le secret des négociations finira un jour, et l’on verra que si l’affaire de Belgique s’arrange au gré de ce pays, que si le gouvernement belge conserve, dans le Limbourg et le Luxembourg, quelques parties du territoire qu’il occupe provisoirement, ce ne sera qu’en s’appuyant sur les articles du traité relatifs à la question des finances, qu’on sera arrivé à ce but. C’est la seule, c’est la véritable protection que la France puisse donner aujourd’hui à la Belgique, à moins que le ministère ne soit décidé à déchirer, à coups de canon, le traité de 1831.

Nous disions, et nous disons encore, qu’il pouvait s’ouvrir de nouvelles négociations au sujet de l’indemnité qui revient à la Belgique pour les dépenses que lui a causées le refus de sept ans du roi de Hollande. Ajoutons que, sous ce rapport, le traité a été très défavorable à la Belgique, dont la dette était bien moindre que celle de la Hollande lors de la réunion de ces deux pays, et qui se trouve grevée de la moitié de cette dette depuis leur séparation. Il