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LA PAPAUTÉ DEPUIS LUTHER.

pher de l’ingratitude de situations difficiles, le succès considéré comme moralité suprême, des hommes d’esprit, des prêtres mondains, quelques-uns qui, d’intervalle en intervalle, reproduisent l’exemple et l’édification de la vertu chrétienne, tel est le spectacle attachant et compliqué que nous offre l’histoire des pontifes dont Léon X ouvre la série avec un aimable et brillant abandon.

Successeur de Jules II, qui ne connut pas Luther, et qui n’eut d’autre pensée que d’assurer à l’église un état temporel considérable, Léon X géra les affaires avec une facilité qui ne fut pas dépourvue de vigueur. Il avait trouvé, disait-il, le pontificat craint et respecté, il ne voulait pas le laisser déchoir entre ses mains. Il ne fut pas moins préoccupé de la reprise du Milanais que de l’hérésie naissante de Luther. Puis n’avait-il pas à lire les vers de l’Arioste, la prose de Machiavel ? Ne devait-il pas se promener dans les galeries que décorait pour lui Raphaël d’Urbino ? La musique le charmait aussi. C’est un excellent homme, disait un ambassadeur, buona persona ; il aime les savans, il est religieux, mais il aime à vivre, ma vuole vivere. Léon X ne permettait pas aux affaires de le troubler ; il les comprenait dans leur ensemble, et ne se perdait pas dans les détails ; il eut l’insigne fortune de goûter quelques années de la vie la plus riante au commencement du xvie siècle, qui devait être si orageux, et cet heureux viveur mourut à propos.

Un professeur de Louvain, Adrien d’Utrecht, reconnut franchement, après Léon X, les excès commis au sein du catholicisme. « La corruption, disait-il, s’est répandue de la tête aux membres, du pape aux prélats ; nous avons tous dévié ; il n’y en a aucun qui ait fait du bien, pas même un seul. » Mais il se trouvait comme étranger dans Rome ; les Italiens ne pouvaient s’accommoder de ce Néerlandais, qui ne régna guère qu’un an.

Jules de Médicis, qui porta le nom de Clément VII, prit la résolution hardie de se déclarer l’adversaire des Espagnols, qui avaient rétabli sa famille à Florence, mais dont la domination sur l’Italie l’offusquait. Il ne réussit qu’à provoquer le sac de Rome et à se faire assiéger lui-même dans le château Saint-Ange. Pour échapper au joug impérial, il se lia plus tard avec François Ier, qui, au même moment, prêtait son appui aux protestans d’Allemagne. Henri VIII prononça à la même époque la séparation définitive de l’Angleterre d’avec l’église romaine ; les tribulations de Clément VII semblent servir d’opposition aux prospérités de Léon X.

Paul III fut à Rome un pape populaire. On aimait la magnificence