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REVUE. — CHRONIQUE.

de guerre, mais bien son système de paix, et répondre aux détracteurs du traité de la Tafna. Il l’a fait avec le même bonheur. Quant à la forme du traité et aux détails de sa conférence avec Abd-el-Kader, il a prouvé qu’il avait su maintenir en tout point la dignité de la France. Il a démontré que le traité même est favorable à la France. On a dit qu’il avait abandonné à Abd-el-Kader quatorze cent cinquante lieues de terrain ; mais Abd-el-Kader les avait déjà. Le général offre de les reprendre avec huit mille hommes, mais il ne se charge pas de les garder, car la domination de l’émir et celle de la France consistent à parcourir cette vaste étendue de pays. Il fallait traiter avec les Arabes ou les exterminer. Pour traiter, il faut un chef, et toutes ces tribus errantes n’en avaient pas. Où donc les trouver ? Abd-el-Kader était le seul Arabe qui eût pris de l’influence sur ses coreligionnaires ; sa puissance existait, on ne l’a pas faite par le traité de la Tafna ; il avait Médéah, Miliana, il commandait jusque dans le centre de la Mitidja ; c’était le seul chef puissant, on l’a rendu responsable et on l’a accepté. Quant aux suites et aux interprétations du traité, le vague qu’on trouve dans ce passage jusqu’à l’Oued Kadara, le général déclare qu’il n’existe pas, et que cette phrase veut dire jusqu’à la province de Constantine. C’est donc au gouvernement de ne pas souffrir que l’émir s’établisse entre nous et Constantine. Il n’y a plus de vague là-dessus.

Ayant ainsi défendu ses actes, le général Bugeaud a rendu justice au ministère actuel, et après un discours tel que le sien, son témoignage a du prix.

« La Régence est pacifiée, a-t-il ajouté, et je dois dire que nous le devons à l’idée constante du ministère. Le ministère a eu cette pensée dès le commencement de 1837, il l’a poursuivie avec persévérance, avec fermeté, et le traité de la Tafna a accompli son vœu. » Le ministère se contentera sans doute de l’accord qui règne entre ses vues et celles des généraux, qui, tels que le maréchal Valée et le général Bugeaud, ont donné, en Afrique, tant de preuves de capacité, et il se consolera facilement de la désapprobation de M. Berryer, de M. Mauguin, de MM. Jaubert et Desjobert, et des autres ennemis de la domination de la France en Afrique.

Nous ne suivrons pas M. Guizot dans son discours, qui a été rudement contredit par M. Jaubert. M. Guizot est de l’avis du ministère. La France doit dominer grandement en Afrique, et non pas se réduire à quelques comptoirs commerciaux. Les vainqueurs d’Alger, de Constantine, ne peuvent devenir le lendemain de simples marchands. La France ne doit pas abandonner l’idée de conquête, mais elle doit la faire successive et systématique. En un mot, M. Guizot croit à l’Afrique française, aux bons résultats de notre établissement, et, en cela, il se sépare de M. Duvergier de Hauranne, de M. Piscatory, de M. Jaubert, qui tous, plus ou moins, sous une forme plus ou moins ouverte, votent pour l’abandon. Après cet acte de conscience, M. Guizot s’est cru obligé de terminer par une petite épigramme contre le ministère, et il a envoyé, en quelque sorte, la chambre voir ce qui se passe en Afrique, en lui adressant ces paroles du chancelier Oxenstiern à son fils :