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que, faute de pouvoir s’en procurer, on écrivait parfois sur l’écorce de bouleau. En 1317, on paya pour un missel dix marcs d’argent fin, ce qui équivaut à 90 riksdales de la monnaie actuelle (180 francs)[1]. Cependant il y avait çà et là quelques bibliothèques. En 1292, le chanoine Heming d’Upsal donna, par son testament, à André Calis, des livres de logique, de grammaire, d’histoire naturelle, les œuvres de Lucain et de Virgile. Dans un inventaire de la bibliothèque d’Upsal fait en 1369, on trouve plusieurs bibles, des livres de théologie et de droit canon, deux histoires de l’église, quatre légendes de saints, une description de la terre de Chanaan. En 1409, le cloître des dominicains de Wisby reçoit, par testament, une partie des œuvres d’Ovide. Il y avait, s’il faut en croire les anciennes annales, dans un autre cloître de l’île de Gothlande, une bibliothèque qui ne renfermait pas moins de 2,000 manuscrits[2]. Mais la tendance des esprits n’était pas encore tournée du côté des études classiques. On abandonnait Cicéron pour une glose, et Virgile pour une litanie. Ces bons religieux du moyen-âge se trouvaient si bien de leur latinité barbare, qu’ils ne songeaient point à la corriger par de meilleures études. Le Danemark, sous ce rapport, était encore plus avancé que la Suède. Il y a eu, sur la fin du XIVe siècle en Danemark, un évêque, Absalon, qui était un homme de goût, un homme instruit et dévoué à l’étude de l’antiquité classique. Il y a eu à la même époque deux historiens corrects et élégans : Saxo Grammaticus et Sveno Aggonis. Il n’y a eu en Suède que de mauvaises chroniques rimées sans esprit et sans forme, quelques recueils de sentences proverbiales grossièrement versifiées, et des légendes de saints.

L’imprimerie fut cependant introduite ici dix ans plus tôt qu’en Danemark. Il y en avait une en 1476 à Upsal, une autre en 1482 à Stockholm, une autre en 1490 à Wadstena. Le premier livre imprimé que l’on connaisse date de 1483. C’est un in-4o de 289 pages, qui partit à Stockholm sous le titre de Dialogus creaturarum, optime moralisatus omni materiæ morali jocundo et edificativo modo applicabilis. La seconde est la légende de sainte Catherine[3].

La langue islandaise resta long-temps en usage à Upsal. Les rois avaient coutume d’appeler les scaldes à leur cour. Il y en avait encore un en 1265. La langue suédoise se développa fort lentement. D’un côté, les prêtres, les religieux, qui étaient alors les seuls hommes doués de quelque connaissance, la négligeaient pour parler leur mauvais latin ; de l’autre, les rois et les hommes de leur cour employaient encore la vieille langue scandinave. Au XIVe siècle, sous le règne d’Albert de Mecklembourg, elle subit d’une manière notable l’influence de l’Allemagne, et l’influence du Danemark, à partir du règne de Marguerite. Cependant elle est restée beaucoup plus près de l’islandais que la langue danoise. Elle a conservé, dans toute leur identité, un grand nombre de mots, de tournures grammaticales et de terminaisons sonores appartenant

  1. Frondin, Vitterhets Academiens Handlingar, tom. IV.
  2. G. Wallins, Gothlandske Samlingar, pag. 48.
  3. Vita seu legenda cum miraculis dominæ Katharinæ filiæ S. Brigittæ. Réimprimée à Rome en 1555.