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LA LITTÉRATURE EN SUÈDE.

avec le glaive comme avec l’excommunication, les évêques montaient à cheval la lance au poing et conduisaient eux-mêmes leurs vassaux au combat.

« Toute la science des religieux, dit un écrivain protestant[1], consistait à chanter la messe, à prononcer quelques mauvais sermons, et à défendre les priviléges de leurs cloîtres et les immunités de leur église. » Cependant c’étaient eux qui marchaient en tête de toutes les études. C’étaient eux qui, au XVe siècle, exerçaient la médecine, s’occupaient de chimie, de mécanique et d’astronomie ; et quand on trouvait quelque instruction ailleurs, on en était surpris[2]. Des religieux, dont on ignore le nom, écrivirent, au XIVe siècle, un livre sur la nature des plantes et des pierres, un autre sur la médecine, un troisième sur la vertu des simples. Les simples n’entraient pourtant alors que comme un accessoire dans les cures de maladies. On avait recours aux prières, aux neuvaines, plus qu’aux remèdes physiques, et les pauvres malades attendaient d’un miracle les secours qu’ils ne pouvaient attendre de la science.

Au XIVe siècle, un autre religieux, dont on ignore également le nom, écrivit un livre sur la structure du corps humain et sur la digestion. Au XVe siècle, un moine de Wadstena construisit à Upsal un globe sphérique, où l’on voyait le mouvement de la lune et des planètes. Un autre enfin composa un calendrier ecclésiastique dont on se servit long-temps en Suède. C’étaient les religieux aussi qui rédigeaient, en mauvais latin, il est vrai, les chroniques du temps, et c’étaient eux qui dirigeaient les écoles. Les premières écoles dont il soit fait mention dans les annales de la Suède, datent du XIIIe siècle. Ce sont celles de Linkœping et d’Upsal. Plus tard, chaque chapitre métropolitain, chaque couvent eut la sienne. Mais elles étaient inférieures encore à celles du Danemark, et nous avons vu ce qu’on apprenait là, un peu de mauvais latin, quelques homélies, des règles arides de grammaire, et, sur la fin, des subtilités philosophiques que l’on prenait pour de la philosophie. Beaucoup de jeunes gens s’en allaient alors chercher, dans les pays étrangers, une instruction plus étendue. En 1290, le sénateur André And acheta une maison à Paris pour les étudians pauvres de la Suède. En 1373, sainte Brigitte leur en donna une à Rome[3].

En 1478, Sten Sture fonda l’université d’Upsal, mais tous ses efforts ne purent lui donner qu’une existence très incertaine. Elle languit faute de ressources, faute de maîtres habiles, et ne se ranima que cent cinquante ans plus tard, sous le règne de Gustave-Adolphe. La science était alors si chétive et si peu répandue, que l’on citait comme une rareté l’archevêque Trolle, parce qu’il savait le grec[4]. Les livres étaient rares, et le parchemin si cher,

  1. Stiernmann, Tal om den lœrda Vettenskapers Tilstand i Svearike, under Hedendoms och Pafvedoms Tiden.
  2. Il est dit d’un homme qui mourut en 1391 : Laicus litteratus tamen.
  3. Sur la façade de cette maison, Léon X fit graver cette inscription, qui depuis a été effacée :

    Domus sanctæ Brigittæ de regno Suethiæ instaurata.

  4. Geiier, Svenska Folkets historia, tom. I, pag. 333.