Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/848

Cette page a été validée par deux contributeurs.


DE L’ÉTAT
DE
LA LITTÉRATURE ET DE L’INSTRUCTION
EN SUÈDE

AVANT LE SEIZIÈME SIÈCLE.


À M. le ministre de l’instruction publique.

Le développement de la littérature a été plus tardif en Suède qu’en Danemark. La Suède, par sa position géographique, se trouvait en quelque sorte séquestrée du reste de l’Europe, à une époque où l’industrie n’avait pas encore créé les moyens de communication que nous employons aujourd’hui. C’était, au commencement du moyen-âge, une contrée inculte, hérissée de forêts et difficile à traverser. Son commerce n’avait encore pris aucun essor, son agriculture était dans l’enfance. Il eût fallu de longues années de calme pour développer ses premiers essais et le caractère de ses habitans ; la division de ses états, le voisinage des autres pays, tout était pour elle un sujet de guerre. Le fondateur de la monarchie suédoise était ce chef de tribus asiatiques, cet Odin dont l’histoire raconte vaguement les courses aventureuses et dont la fable a fait un dieu. Ses descendans avaient hérité de son ardeur pour les combats. Dans les heures de loisir qu’ils passaient assis devant la table de chêne buvant le miœd avec leurs compagnons, on eût dit qu’ils sentaient l’aiguillon de cette lance teinte de sang que les Valkyries promenaient sur les champs de bataille. Le repos leur pesait comme un remords. Le triomphe de la force était leur foi, la guerre leur religion.

Les premiers rois auxquels les missionnaires chrétiens firent entendre leur voix pacifique, ne purent dompter si tôt les idées de gloire que leur avait données la tradition. Tout en s’inclinant devant le symbole de la réconciliation, ils proféraient le cri de guerre et s’élançaient joyeusement au combat.