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DES INTÉRÊTS NOUVEAUX EN EUROPE.

alimente tous les jours, et peut en recevoir aussi de salutaires influences : elle pourra, par une noble émulation, s’élever à la persévérance et à la tenue des grandes entreprises politiques ; puis son cœur pourra battre à l’unisson de l’ame du peuple. Il est contradictoire de vouloir parquer la bourgeoisie dans les mêmes défauts et les mêmes travers, quand on reconnaît qu’elle est dépositaire de toutes les forces sociales, et que la vie est en elle. Elle n’est ni une caste, ni un ordre, mais la société même, et cette société est démocratique.

Démocratie et royauté, voilà la France ; là est sa fortune et son génie. Sur ces deux bases, elle se meut : tantôt on la verra pencher davantage vers l’un ou l’autre côté ; mais son instinct et son bonheur seront toujours de reprendre l’équilibre, et de ne sacrifier, ni la liberté à l’unité, ni l’unité à la liberté.

Ces choses, M. de Carné les sait et les pense comme nous ; mais il nous a semblé que, dans ses appréciations d’ailleurs si justes et si sagaces, il était trop enclin à immobiliser le présent, et à trop induire ce qui sera de quelques situations accidentelles qui ne tiennent pas à la nature des choses. À notre sens, les gages de l’avenir, non-seulement pour notre sécurité, mais pour notre grandeur, sont dans les rapports établis entre le gouvernement et la société. Pour la première fois, depuis cinquante ans, le pays est régi par un gouvernement qui ne lui inspire ni terreur ni défiance ; si sur quelques points des dissentimens se montrent, on discute, on s’éclaire ; mais gouvernans et gouvernés ont cessé de se haïr et de se calomnier. Cette situation est nouvelle ; elle sera féconde. La France sait qu’une volonté vraiment nationale sera toujours exécutée par son gouvernement, qui, à son tour, est convaincu que le pays, loin de conspirer contre lui, identifie ses destinées avec l’existence de la monarchie représentative. Aussi, quand a-t-on joui de plus de liberté morale et intellectuelle ? Est-il quelque idée, quelque intérêt, quelque prétention qui ne puisse se faire jour, se défendre, se produire ? Jamais un peuple n’a été plus maître de lui-même, de sa raison, de sa volonté.

Passons aux questions extérieures. Voici comment M. de Carné expose le plan de ses travaux : « Deux groupes de négociations nous arrêteront spécialement, celles qui ont fondé la situation politique et territoriale de la Belgique, et celles qui se rapportent à l’Espagne. Nous donnerons de larges développemens à cette question belge qui nous touche aussi immédiatement dans le passé que dans l’avenir ; puis nous essaierons de pénétrer au fond de cette histoire péninsu-