terre dans l’Inde et partout, comme la France sous Napoléon, tous les moyens bons et mauvais, et sans doute il ne s’est fait scrupule dans l’occasion ni d’être perfide, ni d’être violent. Il est très vrai qu’en poursuivant ses plans d’agrandissement, il n’a pas prétendu concourir pour le prix de vertu ; mais, si pour le décerner nous avions à choisir entre le cabinet de Saint-Pétersbourg et celui de Saint-James, nous serions vraiment fort embarrassé. Quant à la querelle avec les peuples du Caucase, nous croyons qu’il y a quelques raisons à alléguer en faveur de la Russie : raisons bien faibles, sans doute, si on les examine au flambeau de la morale évangélique, mais qui suffisent peut-être à une époque où malheureusement la politique ne peut avoir la prétention d’être fort chrétienne, et où, certes, aucun gouvernement ni aucun peuple n’a le droit de jeter aux autres la première pierre.
D’abord il ne faut pas oublier que la guerre du Caucase a commencé il y a cinquante ans, par des envahissemens et des usurpations, nous l’admettons, mais qui ont été suivis de si fréquentes et si sanglantes représailles, que les torts ont dû être bientôt compensés, et qu’aux yeux de la politique humaine, il a pu y avoir des deux côtés des griefs également légitimes. M. Spencer reproche vivement à la Russie de n’avoir pas employé les moyens de douceur ; mais il est de fait qu’elle les a long-temps essayés, et ils étaient trop dans son intérêt pour qu’elle n’en ait pas usé tant qu’elle l’a pu. Au commencement de ce siècle, elle donnait des honneurs et des pensions aux chefs circassiens ; on déclara même les princes, les nobles et les paysans tcherkesses égaux aux princes, aux nobles et aux paysans russes : mais ils prirent cette égalité à la manière asiatique pour une reconnaissance de leur extrême supériorité, et redoublèrent leurs incursions et leurs brigandages. À la même époque, il était défendu, sous les peines les plus sévères, aux Cosaques et aux autres soldats de tuer un Circassien ; ils étaient obligés de l’amener vivant, ce qui était à peu près impossible, parce que les montagnards étaient mieux montés et mieux armés qu’eux. Et cependant Klaproth pensait alors que le nombre des sujets russes enlevés par les habitans du Caucase dans l’espace de quelques années dépassait celui des hommes moissonnés par la peste, qui peu de temps auparavant avait ravagé cette frontière. On faisait des traités avec les chefs, et ils prêtaient serment de fidélité à l’empereur ; mais M. Spencer nous dit qu’ils ne se croient pas obligés de tenir les promesses faites à un ennemi, et en effet ils ne tenaient aucun compte des leurs. En outre on