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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

nous sommes capable, il nous reste à examiner les conclusions de l’auteur ; et à voir si nous devons adopter ses idées, prendre parti pour les Circassiens contre la Russie, et appeler, comme lui, à leur secours l’Europe civilisée.

Est-il vrai d’abord que les montagnards du Caucase méritent à un si haut degré l’intérêt et la sympathie des peuples chrétiens ? M. Spencer se plaint à diverses reprises qu’on les a calomniés, que les voyageurs qui en ont parlé jusqu’ici sont entrés complaisamment dans les vues des Russes, leurs ennemis, et les ont représentés à tort comme des brigands vivant de pillage, comme des gens à la parole desquels on ne peut pas se fier, etc., etc. Or, voici comment il les défend contre leurs accusateurs : « Quoique les voyageurs aient assurément bien des raisons pour se plaindre des brigandages de ce peuple, ce n’est pas chez lui cruauté, mais un usage établi depuis long-temps. La règle est que tout étranger qui entre dans ce pays sans se placer sous la protection d’un chef qui se porte garant de sa bonne conduite, devient la propriété du premier Circassien qui se saisit de lui. Ce chef ou ancien reçoit le nom de konak. Le voyageur qui, en entrant dans le pays, se conforme à la règle en question, peut confier aux Circassiens sa propriété et sa vie, et il n’est aucun d’eux qui ne meure pour le défendre, si cela est nécessaire. » Ainsi le droit commun est que l’étranger qui traverse leur pays doit être pris et vendu ; mais que voulez-vous ? c’est un vieil usage. N’est-ce pas là une singulière justification ? Les Arabes du désert aussi ont un grand respect pour les droits de l’hospitalité, et il y a chez eux quelque chose de semblable à l’institution du konak, ce qui n’a jamais empêché de les qualifier de brigands, sans que personne, à notre connaissance, ait eu l’idée de réclamer contre cette qualification. Mais écoutons encore M. Spencer sur ce sujet : « Le Circassien, dit-il, n’exerce ces vertus (l’hospitalité, la générosité, etc.) que tant qu’il est chez lui ; car quand il est en querelle avec une tribu voisine ou engagé dans une guerre, c’est un voleur déterminé, conséquence naturelle de la croyance dans laquelle il a été élevé, que dérober adroitement et heureusement fait partie de la discipline militaire. » Et ailleurs : « Chez les Circassiens comme chez les anciens Spartiates, le voleur qui exerce sa profession avec adresse excite l’admiration générale, et on ne peut pas faire de plus grande insulte à un Circassien que de lui dire qu’il ne sait pas voler un bœuf. Le maladroit qui est découvert est condamné, non-seulement à la restitution des objets dérobés, mais encore à une amende de neuf fois leur valeur. Au fait, ces gens sont de