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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

en admettant beaucoup d’embellissemens à la Walter Scott, a quelque chose de très remarquable. Ce qu’on doit y voir de plus important, c’est la réunion de toutes les tribus contre l’ennemi commun et la tentative d’arriver à une sorte d’unité nationale. Il paraît qu’en essayant une confédération et en adoptant pour la première fois un drapeau, ils ont suivi les conseils d’un Européen, qui leur a appris en même temps l’usage d’une espèce d’obusier qui peut devenir, entre leurs mains, une arme très redoutable. Reste à savoir si cette unité un peu factice pourra se maintenir long-temps. M. Spencer, en sa qualité d’Anglais, était très fier de la manière dont on parlait de son pays et de ses compatriotes, car, dans les explosions de sentiment patriotique, le nom d’Ingliz était confondu souvent avec celui d’Adighé. « Il faut se souvenir, dit-il, que cela ne pouvait être dans le but de me faire une politesse, car mon secret n’avait pas transpiré, et j’étais toujours considéré comme un pauvre hakkim djenouves ; si je m’étais déclaré Anglais, ils m’auraient presque adoré. »

M. Spencer, plein de reconnaissance pour ce sentiment à l’égard de l’Angleterre, prêche à ses compatriotes une croisade en faveur des Circassiens, et prouve fort bien que, si la Russie se donne tant de peine pour conquérir le Caucase, ce n’est pas tant pour le Caucase lui-même que pour avoir les clés des empires turc et persan. « N’avons-nous pas un grand intérêt, s’écrie-t-il, à l’indépendance de la Circassie ? N’est-elle pas aussi essentielle à la sécurité de nos possessions d’Orient que l’intégrité de la Turquie et de la Perse, et ne devons-nous pas regarder le blocus de ses ports comme un acte indirect d’hostilité contre nous ? Laissant de côté les considérations politiques, les évènemens ont suffisamment prouvé que chaque pouce de terrain gagné par la Russie, dans quelque partie du monde que ce fût, l’a été en opposition directe avec les intérêts de la Grande-Bretagne. Si elle n’avait jamais passé le Caucase, que ne seraient pas aujourd’hui nos relations commerciales avec la Perse et les autres pays de l’Orient ! À chaque pas qu’elle fait, elle interrompt d’abord, puis réduit à rien notre commerce, en imposant des droits restrictifs. Je vous ai déjà dit qu’elle a donné le coup de la mort à notre commerce de transit par la voie de Redoute-Kalé, en Mingrélie ; elle voudrait maintenant nous interdire toute relation avec les Circassiens, un peuple qui nous ouvre volontiers ses ports, et qui nous invite amicalement à venir dans son pays, pays dénué de toute espèce de manufacture, et donnant en abondance les matériaux bruts dont nous avons besoin. Notre gouvernement, qui le sait très bien, et qui sait aussi qu’un port cir-