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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

accordé à l’âge, les principaux chefs et les anciens s’approchèrent, et baisèrent sa robe, pendant qu’il se levait lentement de sa couche, soutenu dans les bras robustes de son fils, jeune homme aux proportions herculéennes. Il bénit la multitude, les mains levées au ciel, et commença son discours, que je ne prétends pas donner mot à mot, comme il m’a été traduit en allemand par mon interprète, mais dont j’ai essayé de conserver une faible esquisse.

« Il s’étendit d’abord sur l’état présent du pays, sur la nécessité de l’union, dont l’absence avait amené la conquête de sa propre patrie. Il insista sur la nécessité de surveiller très attentivement les esclaves étrangers et d’empêcher d’entrer dans le pays tout individu qui n’aurait pas un konak pour répondre de lui. Il ajouta qu’il fallait faire un terrible exemple de tout chef qui donnerait son adhésion à la Russie. « Où est mon pays ? s’écria le vieux guerrier ; où sont les milliers de tentes qui abritaient la tête de mon peuple ? où sont ses troupeaux ? où sont ses femmes et ses enfans ? où est mon peuple lui-même ? Ah ! les Moscov, fana Moscov, ont jeté sa cendre aux quatre vents du ciel : et tel sera votre destin, ô enfans des Adighé[1] ! si vous cessez de tirer l’épée contre l’agresseur ! Voyez vos frères les Ingouches, les Ossètes, les Goudamakaris, les Avars et les Mistdjeghis, autrefois braves et puissans, et dont les sabres s’élançaient hors du fourreau lorsqu’on parlait de courber la tête sous un joug étranger ; que sont-ils maintenant ? des esclaves ! Ô Adighé ! c’est parce qu’ils ont laissé aux fana Moscov le libre passage à travers leur territoire. Ils bâtirent d’abord des maisons de pierre pour leurs soldats, puis ils volèrent leurs terres aux habitans trompés, les dépouillèrent de leurs armes, et enfin les forcèrent à grossir les armées de leurs oppresseurs. J’entends dire, ajouta-t-il, que le grand padischah des mers et des Indes, la terreur des fana Moscov, vous a tendu la main de l’alliance. Un si puissant monarque est digne en effet de s’unir avec les fils héroïques des montagnes ; mais souvenez-vous de votre indépendance, et ne permettez jamais à un étranger de vous mettre un joug sur le cou. Vous avez déjà permis aux Osmanlis de bâtir de fortes maisons sur vos côtes ; que vous ont-ils donné en retour ? La guerre et la peste pour dévorer vos enfans ; puis, à l’heure du péril, ils se sont enfuis, vous laissant seuls pour arrêter le torrent qui se précipitait sur vous. Quelques semaines encore, et mon corps infirme sera réduit en cendres mais mon ame montera à la demeure de mes pères, la terre des bien-

  1. C’est le nom que se donnent les Circassiens.