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et la plus frappante réalisation des paroles de notre Sauveur : L’arbre est connu par ses fruits, se trouve dans le caractère des Turcs au XIXe siècle. Il est naturel que le voyageur qui ne fait que passer, reçoive de l’islamisme une impression favorable ; car qu’y a-t-il de plus imposant que l’appel solennel à la prière que le muezzin fait entendre cinq fois le jour, du haut des minarets ? Il est impossible que l’ame ne soit pas touchée en écoutant l’invitation sacrée, adressée, non-seulement aux enfans du prophète, mais à l’univers tout entier. Et combien sont sublimes ces paroles : « Venez à la prière ! venez à la prière ! venez au temple du salut ! Grand Dieu ! grand Dieu ! j’atteste qu’il n’y a pas d’autre dieu que Dieu ! et Mahomet est son prophète ! » Combien de fois ces paroles, prononcées par une voix pleine, sonore et harmonieuse, sont venues frapper mon oreille dans la paisible solitude du matin, quand, au milieu du silence universel, l’appel à la prière avait l’air d’un commandement du ciel ; que de fois, dans mon admiration enthousiaste pour cette magnifique observance, j’ai oublié, pour un moment, les faussetés du symbole mahométan, symbole dont l’absurdité nous paraît d’autant plus évidente que nous l’étudions davantage, et où l’on voit clairement que le grand imposteur ne l’a fabriqué que pour satisfaire ses penchans égoïstes et faciliter les conquêtes que méditait son ambition ! Outre ses autres funestes conséquences, aucune religion n’a eu une tendance plus marquée à rabaisser l’homme comme être intellectuel, la doctrine du fatalisme suffisant seule pour paralyser toute l’énergie de l’esprit. Quelle activité, quelle entreprise peut-on attendre d’un homme qui se considère comme une marionnette passive, et croit pieusement que toute tentative pour détourner un malheur, quelque imminent que soit le danger, est un péché contre le ciel ? »

Nous emprunterons encore à M. Spencer quelques-unes de ses remarques sur les réformes du sultan Mahmoud et sur ses tentatives pour discipliner son armée à l’européenne. Bien convaincu que l’intégrité de l’empire dépend de l’organisation de son armée, ce prince fait manœuvrer lui-même ses soldats, comme faisaient Pierre-le-Grand et Frédéric II ; et ils font leurs évolutions avec plus de précision qu’on ne pourrait s’y attendre, vu l’extrême pénurie de bons officiers subalternes. Le sultan est lui-même un excellent cavalier, et il fait admirablement manœuvrer un escadron ; quoique déjà avancé en âge, il est encore plein de vigueur et de santé. Le voyageur anglais a souvent admiré son air martial et sa noble figure, digne du monarque dans les veines duquel coule le plus illustre sang de l’Asie. Ses deux fils, qui