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gers, pousser à leur régénération, exciter leur émulation et placer leur pays dans la position que la nature elle-même semble lui avoir assignée.

« Quand nous jetons les yeux sur les pages de leur histoire, et que nous y voyons leur origine, leurs progrès et leurs victoires ; la gloire, l’étendue et la magnificence de leur puissant empire, subjuguant tant de souverains l’un après l’autre, et menaçant la chrétienté même dans son existence, nous ne pouvons guère être surpris de l’admiration pour eux-mêmes dont les Turcs étaient comme cuirassés, de leur arrogant mépris pour tous ceux qui avaient une autre foi que la leur, et de leur croyance qu’ils étaient invincibles, parce qu’ils combattaient sous la bannière du prophète. Si, toutefois, la lumière de la civilisation et de l’intelligence dissipait les brouillards de la superstition, et donnait une direction convenable à l’énergie d’un tel peuple, ne pouvons-nous pas croire qu’ils pourraient soutenir leur empire chancelant, et fournir encore une carrière, sinon aussi brillante que par le passé, au moins plus durable, parce qu’elle serait en harmonie avec les véritables intérêts de l’humanité ?

« Quelque merveilleux que puisse paraître le rapide agrandissement de l’empire de Mahomet, sa décadence n’est pas moins surprenante ; car moins d’un siècle a suffi pour dépouiller les Osmanlis de toute leur gloire, et pour leur arracher plus de la moitié de leurs conquêtes. Terrible leçon pour les gouvernemens, sur la nécessité d’encourager l’industrie et de s’opposer à l’invasion des vices efféminés qui attaquent la moralité et l’énergie d’un peuple ! Le musulman a accéléré sa propre décadence. Il s’est suicidé lui-même. Il ne conquérait que pour piller ; il n’a gouverné qu’à force d’exactions, en sorte que son sceptre est devenu une malédiction pour tous les peuples qui y ont été soumis. Rassasié de conquêtes et gorgé de pillage, il s’est laissé aller à tous les penchans qui pouvaient le dégrader et l’énerver. Bien différent de ses nobles ancêtres, qui étaient vaillans sur le champ de bataille, fidèles à leurs souverains et généreux envers leurs ennemis, il présente aujourd’hui, en souriant, la coupe empoisonnée, et assassine, avec des sermens d’amitié sur les lèvres. J’en atteste les vastes massacres exécutés par le gouvernement turc, et mille détails de vie privée donnés par des voyageurs d’une véracité incontestée, et que j’ai souvent entendu raconter par les Francs résidant en Turquie.

« Revenons à nos observations sur le déclin de l’empire ottoman. Pendant qu’avec le cours des siècles, les enfans de la croix entassaient connaissances sur connaissances, découvertes sur découvertes,