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réalité à payer d’audace, et, s’avançant vers Ezzelin d’un air affectueux et empressé :

— Cher ami ! s’écria-t-il ; est-ce vous ? vous que nous croyions avoir perdu pour jamais ! Et il étendit les bras comme pour l’embrasser.

Argiria était tombée comme foudroyée aux pieds de son frère. Ezzelin la releva et la tint serrée contre son cœur. Mais devant l’embrassement d’Orio, il recula saisi de dégoût, et, étendant son bras droit vers la porte, il lui fit signe de sortir. Orio feignit de ne pas comprendre.

— Sortez, dit Ezzelin d’une voix tremblante d’indignation, en jetant sur lui un regard terrible.

— Sortir ! moi ! Et pourquoi ?

— Vous le savez. Sortez, et vite.

— Et si je ne le veux pas ? continua Orio en reprenant son audace accoutumée.

— Ah ! je saurai vous y contraindre, s’écria Ezzelin avec un rire amer.

— Comment donc ?

— En vous démasquant.

— On ne démasque que ceux qui se cachent. Qu’ai-je à cacher, seigneur Ezzelin ?

— Ne lassez pas ma patience. Je veux bien, non pas vous pardonner, mais vous laisser aller. Partez donc, et souvenez-vous que je vous défends de jamais chercher à voir ma sœur. Sinon, malheur à vous !

— Seigneur, si un autre que le frère d’Argiria m’avait tenu ce langage, il l’aurait déjà payé de son sang. À vous, je n’ai rien à dire, si ce n’est que je n’ai d’ordres à recevoir de personne, et que je méprise les menaces. Je sortirai d’ici, non à cause de vous, qui n’y êtes pas le maître, mais à cause de votre respectable tante, dont je ne veux pas troubler le repos par une scène de violence. Quant à votre sœur, je ne renoncerai certainement pas à elle, parce que nous nous aimons, parce que je me crois digne d’être heureux par elle, et capable de la rendre heureuse.

— Oserez-vous soutenir toujours et partout ce que vous avancez ici ?

— Oui, et de toutes les manières.

— Alors venez ici demain avec votre oncle, le vénérable Francesco Morosini, et nous verrons comment vous répondrez aux accusations