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ORIGINES DU THÉÂTRE.

trouvent mêlés avec les idylles, ou petits poèmes, du même auteur, sont la Magicienne, l’Amour de Cynisca et les Syracusaines[1].

La Magicienne est ce monologue si passionné dont Racine disait qu’il n’avait rien vu de plus vif ni de plus beau dans toute l’antiquité. Simèthe abandonnée de son amant pratique, au milieu de la nuit, des conjurations qui doivent ramener Daphnis dans sa couche ou lui donner la mort. Dans cette admirable cantate, il n’y a qu’un acteur ; mais tout, d’ailleurs, est dramatique. Pas de préambule en récit, pas d’épilogue ; rien d’épique : c’est la tragédie réduite aux dimensions d’un monologue et d’un théâtre privé. L’ancien argument qui précède cette pièce nous apprend qu’elle est imitée d’un mime de Sophron.

Le dialogue intitulé l’Amour de Cynisca, est un petit drame à deux acteurs, qui paraît avoir été composé pour une des fêtes de Ptolémée Philadelphe. Cette pièce n’a, comme la précédente, ni préambule ni épilogue. Le sujet n’offre absolument rien de pastoral ; le comique s’y mêle à la passion. Un amant jaloux, quitté par une maîtresse coquette, se résout à s’expatrier ; son ami l’engage à prendre du service dans l’armée de Ptolémée, dont il vante la libéralité et les vertus.

La troisième pièce, les Syracusaines ou la Fête d’Adonis, beaucoup plus étendue que les deux autres, est encore plus évidemment un mime. L’ancien argument nous avertit que dans ce poème l’auteur ne parle pas une seule fois en son nom, et qu’ainsi cette pièce est du genre dramatique. Cette même didascalie nous apprend que les Syracusaines sont imitées d’un mime de Sophron, intitulé : Les femmes spectatrices aux jeux isthmiques[2]. Cette pièce, gai tableau des ridicules de province, aussi malin, mais bien moins chargé que la Comtesse d’Escarbagnas, s’ouvre par une jolie scène de caquetage et de médisance féminine entre Gorgo et Praxinoé, deux Syracusaines nouvellement arrivées dans la capitale de l’Égypte. Gorgo vient chercher sa compagne pour aller au palais voir la fête d’Adonis, à laquelle doit présider la reine Arsinoé. Au bavardage dorique des deux amies succèdent les détails de la toilette de Praxinoé et les apprêts comiques du départ, la clôture du logis, la réclusion du chien, les recommandations à l’enfant et à la nourrice. Enfin, voici nos deux provinciales, accompagnées chacune d’une esclave, au milieu des rues d’Alexandrie, vantant la sagesse des nouveaux réglemens de Ptolémée. Cependant la foule des curieux augmente ; les chars se croisent. Aux environs du palais les chevaux de la garde caracolent et ajoutent au désordre. Une vieille Égyptienne qui se retire de la bagarre, excite malignement les deux provinciales à s’y jeter. Nos Syracusaines parviennent jusqu’à la porte du palais : la foule est immense ; elles sont pressées, presque étouf-

  1. Il ne faut point opposer à cette conjecture le mètre de ces pièces, qui n’est pas celui de la scène. On sait par Lydus (De magistr. reipubl. Rom., lib. I, § 41) que Rhinthon écrivit quelques-unes de ses comédies en vers hexamètres, si toutefois Lydus, comme Clément d’Alexandrie, n’a pas employé les mots ἑξάμετρον ἐπος pour désigner les trimètres.
  2. Cf. Valcken., Adnot. in Theocr. Adoniaz.Theocr. Reliq. edent. Ern. Fred. Wuestemann, pag. 31, 199, 217.