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Veut-on un symptôme irrécusable de l’état de l’opinion ? Qu’on regarde l’abandon dans lequel est tombée la question si grave de la réforme parlementaire. Qui se met en avant pour elle ? Quel est l’homme politique un peu notable qui veuille compromettre en sa faveur, son talent et son nom ? Elle est devenue une sorte de lieu commun qu’on livre dans les journaux tant aux plumes novices qu’aux lecteurs peu difficiles. Et cependant cette question est grosse d’avenir ; elle aura son jour. Le pays qui a témoigné de sa ferme adhésion à la monarchie représentative voudra, plus tard, en perfectionner les ressorts organiques ; mais aujourd’hui il fait une halte dans la théorie, et il demande à ses institutions, telles qu’elles sont, tout ce qu’elles peuvent lui rendre de force et de bonheur. Il est des heures de repos pour les nations les plus actives, comme pour les hommes les plus ardens, et les orages ne sont pas le seul aspect de la nature et de la vie.

C’est au milieu de ces tendances si marquées à appliquer le gouvernement constitutionnel à l’amélioration du bien-être social, que la chambre des pairs doit ouvrir dans quelques jours sa discussion sur la conversion du cinq. Et le public semble plus préoccupé de l’attitude que prendra, dans cette circonstance, la partie du parlement qui siége au Luxembourg que de l’opération financière elle-même. Malgré la tourmente factice que plusieurs se sont évertués à soulever autour de cette question, on est fort calme, et quand il se passerait encore un an ou deux avant l’adoption du meilleur système pour effectuer la réduction du cinq, il n’y aurait dans le pays ni inquiétude, ni malaise.

La chambre des pairs va délibérer non-seulement dans la plénitude de son droit constitutionnel, mais dans toute sa liberté morale. L’opinion attend plutôt d’elle de nouvelles lumières sur la question, qu’elle ne lui dicte d’avance un avis et un vote. Ces circonstances ne sont pas défavorables à la pairie, qui saura sans doute en profiter avec une habile modération.

Il ne saurait échapper à l’observation des personnes qui étudient attentivement les oscillations de l’esprit public, que l’autorité politique de la chambre des pairs a survécu aux déclamations dont longtemps elle a été l’objet. On a cessé de lui reprocher son origine ; on ne lui fait plus un crime des élémens historiques qu’elle renferme dans son sein ; on ne la juge plus que sur ses discussions et ses actes. L’assemblée du Luxembourg a sa part dans cette disposition presque unanime à tourner le dos aux récriminations inutiles contre le passé pour vaquer aux affaires du présent.