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voie nouvelle et plus rapide, qui multiplie les rapports entre les populations. D’ailleurs, les hommes qui dirigent quelque grande exploitation de fer ou de charbon, trouvent, dans leur position même, une sorte d’éducation préparatoire et de capacité spéciale pour administrer les chemins de fer.

Ce sont les banquiers qui ont donné l’impulsion aux premières entreprises de chemin de fer qui aient jeté quelque éclat. Tout le monde sait que, sans l’intervention et l’exemple de M. Rothschild, personne n’avait le courage de jeter de l’argent dans les affaires de Versailles et de Saint-Germain. Aujourd’hui les grands capitalistes se refroidissent, à mesure que les petits capitalistes deviennent plus hardis.

En théorie, il semble que l’alliance des grands et des petits capitalistes, dans les affaires des chemins de fer, doive s’accomplir tôt ou tard. Nous ignorons ce que l’avenir nous réserve ; mais, à ne juger que ce qui se passe sous nos yeux, trop de raisons s’opposent à un rapprochement immédiat. Il y a rivalité, défiance et commencement de lutte entre les deux camps. Les banquiers pensent que les souscriptions, abandonnées à leur propre poids, et n’étant pas soutenues par des spéculateurs puissans, ne peuvent manquer d’échouer. De leur côté, les soumissionnaires qui ont appelé directement des souscripteurs, craignent de livrer l’entreprise à l’agiotage, en admettant les banquiers au partage du fonds social.

Il faut le dire, de part et d’autre, ces craintes sont fondées. Jusqu’à ce que les habitudes de la banque se soient modifiées avec les faits, elle ne peut intervenir qu’accessoirement. Quant aux entreprises dont le fonds social s’est formé par l’agrégation d’un nombre infini de petits capitalistes, il y a des mesures à prendre pour apporter l’ordre et la sécurité dans cet ensemble un peu confus de souscripteurs.

Les compagnies qui ont ouvert publiquement des registres de souscription, se proposaient un problème difficile ; elles voulaient classer leurs actions dans les mains des capitalistes qui recherchent un placement avantageux, et se préserver des spéculateurs, que les chances aléatoires d’une affaire attirent plutôt. Ce problème est-il résolu complètement par les faits ? Voilà toute la question.

Nous avons indiqué les garanties que présente le procédé de la souscription directe, comparé à celui de la souscription à forfait. Ces avantages sont positifs, mais ils ne sont pas universels. En appelant directement les souscripteurs, et en livrant les actions au pair, l’on en classe immédiatement un très grand nombre, mais on ne classe