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mission. On pose le cas d’une crise possible pendant la durée des travaux ; et l’on prédit qu’un bon nombre de ces souscripteurs ou spéculateurs en détail, n’ayant eux-mêmes qu’un crédit très limité, se trouveront hors d’état d’acquitter l’engagement qu’ils auront souscrit, tandis que des banquiers qui auraient accepté la responsabilité d’une entreprise la soutiendraient nécessairement jusqu’au bout, de leurs ressources et de leur crédit.

Réduisons ces difficultés à leur juste valeur.

Il n’en est pas des travaux publics comme des emprunts. Dans les opérations qui concernent le crédit d’un gouvernement, d’une province ou d’une grande ville, l’intervention des banquiers, à quelque combinaison que l’on ait recours, restera toujours une nécessité. Ce sont, en effet, les conditions mêmes auxquelles ils s’engagent à devenir prêteurs ou plutôt garans de l’emprunt, qui donnent au public la mesure exacte du risque qu’il peut courir en s’associant au contrat. Ici, d’ailleurs, la garantie des banquiers est quelque chose, car ils sont les meilleurs juges des ressources et de la moralité de l’emprunteur. Mais, dans les entreprises de chemins de fer ou de canaux, la garantie des banquiers ne signifie rien pour le public, car ce n’est pas là une opération de crédit, c’est une question de travail.

La confiance qu’un certain nombre, une clientelle de capitalistes met dans les banquiers, se borne aux mouvemens de fonds, aux transactions qui s’opèrent sur les rentes, et aux emprunts. Quant à l’industrie, on sait que, s’ils avaient les moyens de la commanditer, ils manqueraient encore de la capacité toute spéciale qui est nécessaire pour la diriger. Quel conseil peut donner un banquier sur une entreprise de chemin de fer ? La question d’art lui est étrangère ; les études d’un pareil projet demandent plus de temps qu’il ne lui est possible d’en donner, et entraînent des sacrifices qui lui deviendraient trop onéreux dans sa position. Il invoquerait donc très difficilement son expérience, dans des affaires qu’il ne voit pas par ses propres yeux, et où il juge sur la parole d’autrui. Le banquier n’a que son crédit pour déterminer les souscripteurs là où il faudrait leur fournir des élémens de conviction.

Rien ne prouve mieux à quoi se réduit, en définitive, le patronage des hauts financiers dans les affaires de chemins de fer, que la nature même des propositions qu’ils ont présentées, quand le gouvernement a fait appel à leur esprit d’entreprise et à leurs moyens. Une réunion de banquiers n’était-elle pas disposée, il y a un an, à soumissionner le chemin de Belgique par Amiens, avant d’avoir fait le