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DE LA SOUSCRIPTION DIRECTE.

faits accomplis ; si l’on préfère le système de la concession directe à celui de l’adjudication ; si l’on exige que toute demande de concession repose sur des études préalables, qui embrassent, avec les difficultés d’art, l’estimation des dépenses et des produits présumés ; si l’on veut que la compagnie soit organisée par avance, qu’elle ait une existence définitive et non précaire, qu’elle présente un corps de souscripteurs engagés jusqu’à concurrence de 40 ou 50 pour 100 du fonds social ; si les chambres reconnaissent et constituent l’association en même temps qu’elles autorisent le travail ; alors l’intervention des banquiers et des grands capitalistes cesse d’être une nécessité. On sait d’ailleurs que les spéculateurs ne prennent pas volontiers d’engagement à long terme. Pour une entreprise qui dépend encore d’un vote législatif, incertain comme toutes les questions de majorité, il n’y a qu’une seule classe de souscripteurs possible ; ce sont les détenteurs réels, c’est le public.

Précisons ici la différence des deux modes d’association. Dans la souscription à forfait, il n’y a qu’un seul souscripteur direct ; c’est le banquier qui l’entreprend. Seul il est engagé à l’égard des concessionnaires, ou, quand il a soumissionné lui-même la concession, à l’égard de l’état. La souscription n’est point un contrat ; elle ne donne pas aux souscripteurs le droit d’obliger le gérant de la société à leur délivrer les actions qu’ils ont demandées ; le gérant, à son tour, ne peut pas les contraindre à recevoir les titres, ni à verser les sommes représentées par ces valeurs. Il n’y a d’engagement réel d’aucun côté.

Ajoutons que si le banquier, la personne morale de l’association, est responsable, en revanche il dispose d’un arbitraire illimité dans la distribution du fonds social. Il peut choisir entre les souscripteurs, livrer dix actions à ceux qui en ont demandé cent, et cent à ceux qui en demandaient dix, préférer les spéculateurs aux actionnaires sérieux, émettre enfin les actions aux époques qu’il lui conviendra de fixer, précipiter l’émission ou la suspendre, et, au lieu de vendre, jouer.

La souscription directe, au contraire, présente un véritable contrat synallagmatique entre les administrateurs, qui sont les associés en nom collectif, et les commanditaires, qui sont les souscripteurs. Le registre une fois ouvert, les conditions sont égales pour tous ; il n’y a d’autre titre de préférence que le droit de priorité. Ici la propriété, c’est l’occupation, non point à titre gratuit, mais à un prix fixé par avance, égal et invariable, valeur contre valeur, action contre écus, et au pair. Le souscripteur met sa griffe sur les actions qu’il se