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ÉMANCIPATION DES ESCLAVES.

traité particulier, signifié à la municipalité. Ils sont soumis à des peines qui peuvent aller, quand il y a résistance aux opérations du gouvernement, jusqu’au transfèrement en France, pour que leur conduite y soit examinée.

Quoique cet arrêté marquât un mouvement rétrograde du régime d’oppression substitué à l’esclavage, qu’il ne parlât de réquisition que pour les propriétés nationales, et qu’il ne fît aucune mention de la peine de mort, les nègres refusèrent de s’y soumettre. Il fallut prendre un arrêté nouveau, aux termes duquel tous citoyens rencontrés en état d’attroupement et armés devaient, s’ils ne se rendaient pas, être réduits par la force des armes et jugés par une commission militaire, chargée de rechercher les auteurs ou complices des complots d’attroupemens. Plusieurs exécutions eurent lieu, l’ordre se rétablit.

Pendant ce temps, Jeannet s’était rendu en France. Il y avait trouvé la prédiction de son oncle accomplie ; mais la réaction qui avait suivi la mort de Robespierre avait mal secondé ses prétentions. Il fallut le 13 vendémiaire pour rendre quelque faveur au neveu de Danton ; le directoire, à peine installé, le renvoya en Guiane comme son agent particulier. Il y revint au mois de germinal an IV.

Dès le 2 messidor, il prend un arrêté sur les moyens d’assurer la liberté par le travail, et cet arrêté a pour effet de rétablir, au profit de tous les propriétaires, la réquisition que Cointet n’avait ordonnée que pour les propriétés nationales, de fixer la durée du travail dû par chaque ouvrier à chaque propriétaire, le tarif d’après lequel ce travail doit être payé, et les peines sévères qui forment la sanction de ce contrat forcé.

Le 13 messidor an V, Jeannet se félicite, dans une proclamation, des résultats de son arrêté, qui a retiré de l’oisiveté ces hommes pour qui travail et servitude étaient synonymes la veille.

Si Jeannet avait profité du 13 vendémiaire pour supplanter Cointet, le citoyen Burnel profita, à son tour, pour supplanter Jeannet, de ce 18 fructidor, qui donna le premier exemple, très bien imité l’année suivante, des déportations à la Guiane. Le nouvel agent arriva le 18 brumaire an VII, et il fut aisé de reconnaître à son langage l’homme imbu des bonnes et pures traditions de 1793. « Quant à moi, dit-il en arrivant, je vous le déclare, le travail ou la mort ! En cas de nouveaux troubles, il sera créé une commission militaire, devant laquelle seront traduits tous les cultivateurs qui refuseront d’obéir aux chefs d’ateliers. Cette commission prononcera des peines capitales. »

Nous voilà revenus au régime qui assimile le refus de travail au crime de contre-révolution. Nous allons faire un nouveau pas. De la réquisition, nous allons passer au confinement.

L’arrêté du 16 frimaire an VII vaut la peine d’être lu : « Par le motif, dit-il, que les cultivateurs, s’ils ne sont pas sagement et fortement dirigés, seraient portés, par la facilité de se procurer les choses de première nécessité, à laisser la colonie sans moyens d’existence, il est arrêté : Tous les cultivateurs sont