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mesure. Elle fortifie la législation contre le vagabondage et l’indiscipline. Elle arrête un règlement, en vertu duquel tout citoyen qui ne justifie pas d’un travail ou métier quelconque, doit être emprisonné comme vagabond. La paresse, l’indiscipline, sont punis par les arrêts, les amendes, la privation du salaire, la barre (espèce de gêne), et ces peines sont prononcées par le propriétaire, le conducteur des travaux, ou le conseil de discipline, composé du propriétaire, de deux cultivateurs à son choix, et de deux au choix de l’atelier. Pour clore dignement ces dispositions, qu’on dirait empruntées au code noir, on a soin de déclarer, dans le jargon du temps, que ce règlement ne doit préjudicier en rien aux droits naturels de l’homme et du citoyen.

Et qu’on ne pense pas que ces actes fussent désapprouvés par le gouvernement qui avait aboli l’esclavage. Qu’on ne cherche pas à y voir les écarts d’une autorité locale, qui comprend mal les intentions du pouvoir central ou s’y associe de mauvaise grace. La convention marchait dans la même voie ; et aux termes de son décret du 6 prairial an III, tous les citoyens et citoyennes qui sont dans l’usage de s’employer aux travaux des champs sont en réquisition pour la prochaine récolte. Tout refus de la réquisition sera puni comme crime de contre-révolution.

La convention donnait aux anciens esclaves le titre de citoyen et citoyenne ; mais elle punissait de mort le refus de travail.

Cependant les nègres, ainsi traqués, avaient cherché un asile dans la qualité de propriétaires. Ils avaient acheté quelques coins de terre, et se croyaient ainsi à l’abri de la réquisition ; d’autres s’étaient réfugiés dans les villes où ils exerçaient les professions de domestiques, de chasseurs ou de pêcheurs. L’assemblée coloniale ne s’arrêta pas devant ces prétextes. Elle prit un arrêté en date du 1er  fructidor an III, portant : 1o  que tout établissement de culture, formé depuis le 1er  messidor, sera évacué, et que les cultivateurs devront contracter un nouvel engagement de services ; 2o  que ceux qui présenteront un garant solvable pourront être maintenus, sous peine de prison et d’amende, en cas de mauvais entretien ; 3o  que les personnes ci-devant attachées aux travaux des habitations, sont tenues de sortir des chefs-lieux de canton, sous le délai de dix jours.

Mais le temps avait marché en France, et le commissaire civil, qui avait laissé son oncle au faîte du pouvoir, écrasant la Gironde sous la commune, apprit un jour que Danton venait à son tour d’occuper, au tribunal révolutionnaire, la place de Vergniaud ou de Gensonné, et qu’il était monté à l’échafaud en s’écriant : « J’entraîne Robespierre ! Robespierre me suit ! »

Le citoyen Jeannet quitta la Guiane, et laissa l’autorité aux mains du gouverneur-général Cointet. Celui-ci prend, le 28 frimaire an IV, un arrêté, motivé par l’horrible famine prête à dévorer la colonie, à cause de l’oisiveté des cultivateurs. Cet arrêté a pour but de mettre en réquisition, sur toutes les habitations abandonnées par leurs propriétaires, et devenues ainsi nationales, tous les citoyens non-propriétaires, qui ne sont point engagés par un