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ORIGINES DU THÉÂTRE.

opulens, il ne se forma pas quelque autre genre de drame capable de produire aussi des chefs-d’œuvre.

THEÂTRE PUBLIC DANS LES ÉTATS MONARCHIQUES.

Comme les concours tragiques et comiques étaient devenus à Athènes une partie essentielle et nécessaire du culte de Bacchus, les rois grecs de la seconde époque se montrèrent jaloux de procurer à leurs peuples ces spectacles qui étaient tout à la fois un plaisir de l’imagination et un acte religieux.

Les représentations scéniques étaient presque aussi anciennes en Sicile qu’à Athènes. Vers la 77me olympiade, Épicharne perfectionna à Syracuse la comédie sous Hiéron[1]. Denys, quoique jaloux des écrivains ses confrères[2], appela pourtant des poètes tragiques en Sicile. Antiphon composa, sous son règne, des pièces pour le théâtre de Catane, de Tauromine et même de Syracuse[3].

En Macédoine, Euripide et Agathon furent appelés par Archélaüs, qui put ainsi faire jouer à Pella des tragédies nouvelles, et rivaliser en ce genre avec Athènes[4]. Nous connaissons plusieurs circonstances du séjour de ces deux poètes à la cour de Macédoine. Nous savons que l’un et l’autre y finirent leurs jours ; qu’Euripide était souvent admis à la table royale et s’y enivrait même quelquefois. Nous savons qu’Archélaüs donna un jour à Euripide une coupe d’or et l’invita à écrire une tragédie de Chrysippe. Un peu après, Philippe disputait aux principales villes de la Grèce leurs meilleurs acteurs tragiques, Théodore, Aristodème, Satyrus, Néoptolème. Ce fut même au moment où il franchissait la porte d’un théâtre que ce prince fut assassiné. Son fils Alexandre eut pour comédiens habituels Néophron, Lycon, Athénodore, et surtout Thessalus.

En Égypte, Ptolémée Lagus invita Ménandre à venir à sa cour et envoya au-devant de lui des vaisseaux pour l’y conduire. À la fin de la période alexandrine, le poète comique Aristonyme quitta la cour de Ptolémée Philopator pour celle d’Eumène, roi de Pergame, peut-être pour éviter le sort de Sotade, mis à mort en punition de quelques sarcasmes contre Ptolémée[5]. Les rois de Pergame se montrèrent les protecteurs si zélés du théâtre et des comédiens, que plusieurs des nombreux artisans dionysiaques qui habitaient l’Asie, s’appelèrent Attalistes, du nom de ces princes[6].

  1. Marm. Oxon., ep. 56, pag. 29. Cf. Suid., voc. Ἐπίχαρμος, et Anonym., περὶ Κωμφδίας, pag. IX, l. 18, ed. Dindorf. — Cette double autorité infirme celle des Marbres, et permet de placer le séjour d’Épicharme en Sicile vers la 73e olympiade, par conséquent avant Hiéron.
  2. Denys écrivit, suivant Lucien (Advers. indoct., cap. 15), plusieurs de ses tragédies sur les tablettes mêmes qui avaient appartenu à Eschyle. Malheureusement il n’avait pu acheter le génie du poète en même temps que les débris de son mobilier.
  3. L’auteur inexact de la vie des dix rhéteurs a confondu le poète Antiphon avec son homonyme, l’orateur d’Athènes. — Pseudo-Plutarch., vit. dec. Rhet., Antiph., pag. 833, C.
  4. Euripide fit, entre autres, représenter à Pella une tragédie intitulée Archélaus, dont le roi son hôte n’était pas le héros, comme on pourrait le croire, et dont il nous reste quelques fragmens.
  5. Athen., lib. XIV, pag. 621, A.
  6. Edm. Chishull, Antiq. Asiatic., pag. 146.