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LÉOPOLD ROBERT.

sement de ses avances que dans un avenir indéterminé, et se fiait sans réserve à la loyauté de Robert. C’est en 1818 que fut conclu ce traité généreux, et dix ans plus tard, en 1828, non-seulement Robert s’était acquitté avec M. Roullet-Mezerac, mais il avait rendu à sa famille tout ce qu’elle avait dépensé pour ses études.

Tous ces détails que nous puisons dans la notice publiée par M. Delécluze sur la vie et les ouvrages de Léopold Robert, non-seulement offrent par eux-mêmes un intérêt positif, car chacun aime à connaître quels ont été les débuts d’un homme célèbre ; mais, en nous révélant l’homme, ils nous aident à comprendre l’artiste. Pour acquitter la double dette qu’il avait contractée envers sa famille et M. Roullet-Mezerac, Robert a dû, pendant six ans, produire des ouvrages qui méritent l’estime des juges éclairés, mais qui, par la nature même des sujets, ne pouvaient prétendre à aucune popularité. Sans doute ce long ajournement de la gloire qu’il espérait, qu’il entrevoyait, lui arracha plus d’un regret. Plus d’une fois, en comptant les succès obtenus par des hommes qui valaient moins que lui, il dut faire sur lui-même un retour douloureux ; mais il se résigna sans murmure à l’obscurité laborieuse que sa loyauté lui imposait. Naturellement timide, il répugnait à se produire devant le public. Heureusement il trouva, dans l’amitié de MM. Schnetz et Navez, un puissant auxiliaire. Bientôt ses ouvrages furent recherchés par les étrangers qui visitaient Rome, et s’il n’avait pas encore le bonheur de travailler selon son goût, du moins il voyait décroître de jour en jour la dette qu’il avait résolu d’acquitter. La plupart des ouvrages de Robert, qui appartiennent à cette époque, sont consacrés à la reproduction de quelques scènes de la vie italienne. L’imagination n’y joue aucun rôle ; l’artiste se borne à transcrire ce qu’il a vu. Mais il y a dans cette imitation littérale une naïveté qui touche souvent à la grandeur. La faculté poétique n’intervient pas dans ces petits tableaux ; mais beaucoup d’œuvres inventées par des hommes habiles sont au-dessous de ces fidèles souvenirs.

Outre M. Roullet-Mezerac, qui fut pour lui un protecteur si utile, Léopold Robert eut encore le bonheur de rencontrer, dans M. M…e, un ami qui lui demeura fidèle jusqu’au dernier jour. En 1825, après l’exposition de l’Improvisateur napolitain, qui parut au salon de 1824, il reçut de Paris une lettre signée d’un nom qu’il ne connaissait pas. Dans cette lettre, M. M…e, après l’avoir félicité sur son talent et ses succès, lui témoignait le désir de posséder quelques-uns de ses ouvrages. Dès-lors s’engagea entre Léopold Robert et M. M…e une