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POLITIQUE DE LA FRANCE EN AFRIQUE.

Du jour où celle-ci sera en notre pouvoir, on s’apercevra que les postes établis autour de la Mitidja, à Coléah, à Bouffarik, à l’est et à l’ouest de Bélida, seront devenus à peu près inutiles. En effet Médéah et Miliana occupées, les tribus au nord de ces places seront condamnées à la prudence, et la sécurité de la Mitidja n’aura besoin que d’une faible protection. Cette occupation, infiniment plus étendue, n’exigera donc pas plus de troupes que l’occupation restreinte actuelle. On verra constamment ce résultat se produire à mesure que nous occuperons les positions de l’intérieur. De plus, chacune de ces positions tiendra en échec les populations placées entre elle et la position voisine, le long de la région supérieure. Les Français à Médéah, les tribus de l’ouest de la province de Constantine se soumettront plus facilement à notre administration dans cette province, et réciproquement, notre présence dans celle-ci disposera les tribus de l’est de celle de Titery à se ranger sous notre autorité. Ainsi, comme nous l’avons dit précédemment, dans le système de l’occupation complète, notre force réelle sur chaque point se trouvera moralement multipliée par le nombre des points occupés.

En attendant que ces événemens se réalisent, il est une œuvre dont la politique de la France doit activement s’occuper. Cette œuvre est celle d’établir des relations avec les populations kabaïles, dans le double but de les connaître et de trouver, dans cette connaissance, les principes de la conduite que nous devons adopter à leur égard. La plus grande masse agglomérée de la population kabaïle se trouve, si nous ne nous trompons, dans les montagnes qui s’étendent de Bougie à Bone, depuis la côte jusqu’à une assez grande profondeur dans l’intérieur. Or, nous avons maintenant à Alger un homme qui est venu se remettre entre nos mains, et qui appartient précisément par sa naissance à cette région de l’Algérie ; cet homme est Ben-Aïssa, Kabaïle de race, celui-là même qui, en qualité de lieutenant d’Achmet, a si héroïquement défendu contre nous les murs de Constantine. Sa bravoure, la fidélité avec laquelle il a continué de servir les intérêts de son chef, depuis que ce chef est tombé, et quand lui, Ben-Aïssa, pouvait parler pour son propre compte, sont des garanties que sa parole aurait plus de valeur qu’on ne peut en général en attribuer à celle des indigènes. Pourquoi cet homme ne deviendrait-il pas un intermédiaire entre nous et ceux de sa race ? Pourquoi, après avoir été si prodigues d’investitures, n’essayerions-nous pas de faire encore un bey, un bey kabaïle, un bey des montagnes de Stora, qui adoucirait peut-être pour nous les défiances