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n’était pas à nous quand le traité de la Tafna fut signé, et le négociateur de ce traité ne songea pas à cette communication. Les territoires qui nous la donneraient s’étendent des sources de l’Oued-Kaddara dans la direction du sud-est à travers les montagnes, jusqu’à la grande vallée de Hamza, laquelle expire aux Portes de Fer, et s’y trouverait comprise. Deux motifs rendraient la possession de ces territoires importante. La route d’Alger à Constantine les parcourt, et quoique nous soyons loin encore d’être en mesure d’en faire usage, il n’est pas indifférent pour nous que cette communication soit entre nos mains. En second lieu, la vallée de Hamza met Abd-el-Kader en contact direct avec la province de Constantine, et ce contact serait rompu si nous la possédions. C’est surtout sous ce dernier rapport et parce qu’elle intercepterait les communications de l’émir avec les tribus de Constantine, que la propriété de ces territoires nous paraîtrait actuellement désirable. Mais c’est précisément à cause de cela, et parce qu’elle va au cœur des projets d’Abd-el-Kader, que nous doutons fort qu’elle pût être facilement obtenue. Une telle demande serait une rude épreuve à laquelle la France soumettrait la docilité de son vassal ; car les territoires dont il s’agit sont évidemment en dehors du traité, et ce serait une extension, et une extension considérable, à la position que nous fait le traité, qui nous serait accordée. Cette demande a-t-elle été faite ? Nous l’ignorons, mais nous n’en serions pas surpris. La concession qu’elle aurait pour objet est-elle assez commandée par nos intérêts pour que nous dussions l’exiger sous peine de guerre ? Nous ne sommes pas assez éclairé sur la question pour en décider. Si elle nous était faite enfin, est-ce par nous-mêmes ou par une force étrangère que la vallée de Hamza et les Portes de Fer devraient être occupées ? C’est un problème ultérieur qu’il est au moins superflu de discuter à l’avance. Si nous avons touché cette question, c’est parce que notre situation présente en Afrique, et l’action de l’émir sur les tribus de Constantine, la posent évidemment. Soulevée ou non, elle mérite examen, et nous sommes persuadé qu’elle n’a pas échappé à la sagacité du gouverneur de l’Algérie et à celle du cabinet.

Telles sont les deux seules questions qui puissent, à notre connaissance, menacer matériellement la paix de la Tafna. La première n’a rien de grave. La seconde seule pourrait devenir sérieuse, si elle était engagée, et cela dépendra, nous le pensons, de la conduite de l’émir. Sauf cette éventualité, nous croyons pouvoir affirmer, sans crainte de nous tromper, que la France n’a en ce moment aucun intérêt gé-