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comment nous devons les prendre que quand nous aurons cessé de les ignorer.

Quelque rapides que soient les considérations qui précèdent, elles suffisent cependant pour poser d’une manière nette les principes qui doivent diriger notre conduite en Afrique, et les bases de la politique que la France doit y suivre. J’ai déduit ces principes, non des circonstances particulières dans lesquelles nous nous trouvons aujourd’hui à Alger, circonstances mobiles qui n’étaient pas hier et qui ne seront plus demain, mais de ce qu’il y a d’invariable dans un pays, le sol, le génie des races qui l’habitent, l’histoire de ces races. Aussi ne suis-je arrivé qu’à des résultats généraux et d’une vérité permanente. Ces vues étaient applicables le lendemain de la conquête ; elles le sont aujourd’hui ; elle le seront aussi long-temps que les races maure, arabe, kabaïle, n’auront pas été modifiées, aussi long-temps que les voies romaines, ressuscitées, ne sillonneront pas de nouveau l’Algérie dans tous les sens et n’y auront pas une seconde fois surmonté la nature. Il me reste maintenant à descendre à ces circonstances particulières que j’ai jusqu’ici négligées, et à en tenir compte. Des faits nombreux et divers se sont accomplis en Afrique depuis que nous y sommes ; ces faits nous y ont donné, en 1838, une certaine situation ; cette situation soulève un certain nombre de questions de conduite, qui méritent d’être examinées. Nous allons indiquer cette situation, poser ces questions, et en dire rapidement notre avis. Nous pourrons, dans cette partie de notre travail, tomber dans quelques erreurs. Pour bien démêler toute notre situation présente en Algérie, il faudrait être dans la confidence de la correspondance d’Afrique. Toutefois, pour qui a suivi avec attention et jour par jour tout ce qui s’est passé depuis que nous y sommes, cette correspondance ne peut cacher de grands mystères. La politique est une affaire de simple bon sens, et quand on connaît le gros des faits, il est facile de deviner les questions. Je ne puis d’ailleurs qu’effleurer la matière, et c’est surtout dans le détail que les chances d’erreurs se multiplieraient.

Il serait inutile de tracer ici le tableau des évènemens arrivés en Afrique depuis la conquête jusqu’à la prise de Constantine. Reproduit dans ses détails, ce tableau n’offrirait que confusion. Les grands traits seuls méritent d’en être détachés. Le lendemain de la conquête, le bey Achmet, que son maître avait appelé de la province de l’est à la défense d’Alger, rallia sous son drapeau les débris de la milice turque qu’il trouva sous sa main, et se retira dans Constantine. Tous