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hommes qui professent semblent ne former qu’un seul corps, et qu’on ne peut séparer le clergé des écoles ni les écoles du clergé.

Dans les campagnes, c’est l’église qui alimente elle-même l’école ; c’est la collecte du dimanche qui entretient l’instituteur ; c’est le vicaire parfois qui se fait pédagogue. Dans les villes, c’est-à-dire dans les chefs-lieux de diocèse où il y a un gymnase, l’école perçoit un tribut sur les deux quêtes annuelles qui se font dans toutes les paroisses. Les professeurs sont membres du consistoire ecclésiastique, et, en cette qualité, gèrent, avec le prêtre de la cathédrale et l’évêque, les affaires du diocèse. Plusieurs d’entre eux prennent part aux revenus des prébendes, et plusieurs deviennent prêtres. Il y a dans cette organisation réciprocité complète d’influence : si l’église agit sur les écoles par un droit de surveillance, l’école, de son côté, occupe une assez grande place dans l’administration de l’église. C’est l’école qui donne, comme je viens de le dire, des conseillers à l’évêque : c’est par les fonctions qu’ils ont remplies à l’école que plusieurs ecclésiastiques ont obtenu un presbytère ; c’est par là que plusieurs se sont élevés aux grandes dignités sacerdotales. Quatre des prélats actuels les plus distingués de la Suède, celui de Carlstad, celui de Wexiœ, celui de Hernœsand et celui d’Upsal, qui est le primat du royaume, ont été d’abord professeurs.

Il y a donc entre ces deux corps communauté d’intérêts et communauté d’action. En même temps, il y a entre eux assez de points de séparation, et un équilibre assez juste de pouvoir, pour qu’ils gardent tous deux une place distincte, pour que l’église ne cherche pas à asservir l’école, ni l’école à dominer l’église.

Le gouvernement actuel a toujours manifesté un grand zèle pour les progrès de l’instruction publique en Suède. Des hommes instruits sont allés par ses ordres en Angleterre, en France, en Allemagne, étudier les nouveaux systèmes d’éducation pour les faire connaître à leur pays. Des projets d’amélioration ont été plusieurs fois soumis aux diètes, et les livres d’enseignement, les cartes de géographie, les tableaux de mathématiques et d’histoire ont été revus avec un soin particulier. En 1827, le roi assembla, à Stockholm, une commission chargée de revoir le règlement de 1820, d’étudier l’état des écoles et de lui soumettre ses observations. Douze membres demandèrent diverses réformes ; dix autres membres défendirent l’ordre de choses existant. L’opinion de la majorité paraît avoir été la moins puissante. Jusqu’à présent du moins on n’a fait nul changement aux institutions de 1820.

Mais il faut observer que tout changement est difficile à faire dans un pays qui a si peu de ressources. Avec son mince budget, le gouvernement suédois doit redouter tout ce qui l’entraînerait dans une dépense extraordinaire, tout ce qui lui imposerait pour l’avenir un surcroît de charge. Ainsi, il est forcé d’abandonner les gymnases à eux-mêmes. La contribution annuelle qu’il leur paie n’est pas en proportion avec leurs besoins ; le traitement des maîtres, composé de fractions de dîmes et de collectes, est misérable. Il en résulte que la plupart des jeunes gens, sortant de l’université, n’entrent