Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/574

Cette page a été validée par deux contributeurs.
570
REVUE DES DEUX MONDES.

sortir), à moins d’une création de pairs. La chambre des députés serait-elle d’avis de créer cent pairs et plus pour avancer la conversion de six mois ? Si M. Guizot et M. Thiers veulent aller grossir la minorité de la chambre des pairs, rien de mieux ; et nous sommes sûrs qu’ils n’auront pas de peine à obtenir de siéger au Luxembourg. Mais nous ne voyons pas d’autre moyen. Si le ministère était opposé à la conversion, il lui resterait la dissolution de la chambre des députés ; mais, en bonne conscience, M. Molé, qui est partisan de la conversion, et qui la regarde comme une mesure juste et utile, ne peut dissoudre la chambre parce qu’elle est de son avis. La chambre des députés aurait beau forcer le cabinet à se retirer ; à moins de donner à M. Guizot et à M. Duchâtel la mission de monter à cheval et de traiter la pairie comme Bonaparte traita le conseil des cinq cents, nous ne voyons pas quel moyen coercitif elle pourrait employer contre la chambre des pairs.

Heureusement, la chambre des députés n’est pas telle que la font les journaux de la coalition. Elle a obéi à ses impressions, à ses engagemens ou à sa conscience dans le vote des rentes, elle fera constitutionnellement tout ce qui est possible pour faire triompher son opinion ; mais, de même que nous avons, Dieu merci, un souverain qui est bien éloigné des coups d’état et de toute résolution qui ne serait pas l’accomplissement de la charte, nous avons aussi une chambre qui ne rêve ni sermens du jeu de paume, ni révolution de 1830. Quelque respect que nous ayons pour les capacités qui s’agitent en ce moment, nous ne croyons pas que les impatiences d’une douzaine d’ambitions toutes personnelles causent dans le monde tant de bruit et de fracas !

La France et l’Angleterre ont décidé, en ce qui les concerne, que les vingt-quatre articles de la conférence, garantis par elles, devaient être maintenus à l’égard de la Belgique et de la Hollande. Ce traité, fait en faveur de la Belgique surtout, ne saurait, selon les deux cabinets, être méconnu par elle, quand le roi de Hollande déclare y souscrire. Quant à la dette, la Belgique aura droit de réclamer des indemnités, pour les dépenses que lui a causées l’état militaire qu’elle a été forcée de maintenir jusqu’à ce jour par le refus du roi de Hollande d’accepter les articles. Le gouvernement belge semble avoir approuvé d’avance cette décision des deux cabinets en blâmant les mouvemens qui ont eu lieu dans les provinces de Limbourg et de Luxembourg, et en faisant à cet égard une déclaration formelle. En attendant, et comme il se peut que quelques troubles partiels aient lieu à l’occasion de l’exécution territoriale du traité, les garnisons de nos villes du nord ont été renforcées. Plusieurs bataillons de ligne et quelques escadrons de cavalerie ont été dirigés de Strasbourg, de Nanci, de Metz, de Cambrai, d’Avesnes, de Landrecies et du Quesnoy, sur Thionville, Sedan, Valenciennes et Maubeuge. Ces mouvemens ont peu d’importance, et tous les bruits répandus par les journaux, au sujet de la formation d’un corps d’armée, sur la frontière de Belgique, sont absolument faux.