Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/572

Cette page a été validée par deux contributeurs.
568
REVUE DES DEUX MONDES.

hautes sphères de la société, à l’aide de la révolution de juillet, ont abandonné les intérêts les plus vrais, les plus vifs de cette révolution, pour courir au plus pressé, à leurs intérêts personnels du moment. Ils se sont dit : Périsse l’alliance anglaise, plutôt que l’alliance des doctrinaires et du tiers-parti !

Maintenant que ce beau résultat est obtenu, on s’écrie que le pouvoir se rapetisse et s’abaisse, et le Constitutionnel se plaint avec douleur que « l’anarchie qui a été un moment en bas de notre société, est actuellement en haut. » Il est vrai que votre ambition personnelle l’a portée là, mais elle n’y fera pas d’aussi grands ravages que vous le pensez. « Rien n’est plus propre qu’une telle situation à porter une atteinte profonde à la moralité d’un pays, » ajoute le même journal, qui eût dit plus vrai, s’il eût dit la moralité d’un parti. Pour le pays, il n’est que simple spectateur en ceci. La chambre est une chambre nouvelle, son peu d’expérience lui cause quelque hésitation ; l’esprit de localité qui y domine a favorisé les projets de la coalition ; mais le Constitutionnel a beau dire qu’elle s’est séparée du ministère, que si les ministres restent, c’est que certains hommes d’état en sont venus à oublier le respect de soi-même, et que la représentation nationale serait frappée d’atonie, si elle ne les chassait pas ; nous persisterions, à la place du ministère, à demander une preuve plus décisive de sa séparation, et heureusement l’occasion s’en présentera bientôt.

Déjà, dans la discussion de la loi des monumens publics, nous avons vu échouer M. de Guisard, ancien directeur des monumens, qui portait l’esprit de coalition jusqu’à proposer, dans un rapport, le refus des crédits nécessaires aux établissemens les plus utiles, tels que l’hospice de Charenton et celui des Jeunes Aveugles. La chambre a voté les fonds nécessaires à l’achèvement du palais du quai d’Orsay, aux bâtimens des archives, à l’établissement de Charenton. Les efforts réunis de M. Guisard, de M. Duvergier de Hauranne, de M. Dufaure et de M. Gouin, n’ont pu l’entraîner, et elle a rendu hommage au ton de convenance et de modération parfaite avec lequel M. de Montalivet a répondu aux attaques unies des doctrinaires et de la section gauche de la coalition. Selon nous, M. de Montalivet aurait pu dédaigner de répondre aux vulgaires détails étalés par M. Jaubert, qui est venu énumérer le nombre de chaises et de tables placées dans les bureaux de la direction des monumens. Qui sait jusqu’où le ministre eût été obligé de suivre M. Jaubert dans ses secrètes et infatigables investigations ! La chambre a pu voir, en cette occasion, jusqu’à quel point peut aller la complaisance, quand elle s’appuie sur un sens juste et droit. M. de Montalivet a répondu à tout ; il a évité tout ce qui pouvait ressembler à une parole de désapprobation pour ses prédécesseurs ; et, assurément, ce n’est pas d’eux qu’il a reçu cet exemple.

Mais quand même ce vote, en faveur du ministère, n’aurait pas eu lieu, ce n’est pas de ceux qui souhaitent si ardemment de le remplacer qu’il doit prendre conseil. Il est vrai que le Constitutionnel le somme chaque jour de