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REVUE. — CHRONIQUE.

zot et de leurs amis avait chargés de parler en leur nom contre le ministère ; leur absence de la tribune et l’activité de leur opposition autorisent du moins à le dire, d’autant plus que M. Arago était leur élu dans le sein de la commission de la loi des chemins de fer. Répondra-t-on qu’il ne s’agissait que d’une loi d’intérêt matériel ? Mais alors pourquoi s’étonner que le ministère ne se soit pas dissous dès le rejet de cette loi ? Le Constitutionnel ne dit-il pas, aujourd’hui même, que cette loi était toute politique ? « Qu’est-ce donc alors que les questions politiques ? » s’écrie l’organe officiel de la coalition en faisant valoir toute l’importance du rejet de la loi des chemins de fer. « Quoi ! plusieurs ministres ont pu dire à la tribune que la grandeur du gouvernement de juillet était intéressée à ce qu’il fit lui-même certaines lignes de chemins de fer, et le vote émis sur une question ainsi posée n’est pas un vote politique ! » — C’était donc un vote politique ? Soit. Le rédacteur actuel du journal que nous citons s’y connaît, au moins, aussi bien que nous, nous le confessons sans peine. Pourquoi donc, lui demanderons-nous, M. Thiers, ou, à son défaut (si sa maladie ne tenait pas du genre des infirmités de Sixte-Quint), ses amis les plus proches, n’ont-ils pas pris part à cette discussion ? M. Arago et M. Berryer seraient-ils déjà aujourd’hui les commissaires du futur ministère de M. Thiers et de M. Guizot ?

Pour M. Arago, qui a joué dans cette discussion le rôle de l’astrologue qui se laisse choir dans un puits, nous aurions peine à expliquer ses intentions. S’il a voulu simplement faire de l’opposition vulgaire, il a parfaitement réussi. Sa science lui a servi à arrêter, à retarder d’un an les développemens de la science. Peut-être, en revanche, aura-t-elle contribué à l’établissement prochain d’un cabinet dont ses principes politiques l’obligeront à être l’adversaire. Mais nous ne nous chargeons pas d’expliquer les combinaisons d’une spécialité aussi profonde. Quant à M. Berryer, qui est véritablement un homme politique, nous l’avons parfaitement compris.

L’éloquent et le persévérant adversaire de la révolution de juillet sait qu’en l’état actuel de l’Europe la réalisation de ses espérances dépend surtout du plus ou moins d’union de la France et de l’Angleterre. Il sait aussi que l’existence du royaume de Belgique est la condition indispensable du maintien de l’ordre de choses actuel. Mettre Londres à quatorze heures de chemin de Paris, donner au gouvernement la facilité de couvrir en vingt-quatre heures la Belgique de soldats français, au moyen des chemins de fer, c’est là ce que se proposait le gouvernement français en demandant l’exécution du chemin de fer de Paris à Bruxelles. Retarder cette exécution d’une année, n’est-ce pas s’ouvrir un an de chances ? Qui sait tout ce qui peut se passer en une année, et en une année qui commence par l’irritation causée en Belgique par l’affaire de Strassen, et l’embarrassante accession du roi de Hollande aux vingt-quatre articles ? On a dit avec raison que les fonds demandés pour le chemin de Bruxelles représentent à peu près le quart des fonds qu’il faudrait pour aller combattre une division prussienne entre Liége et Bruxelles, et le quart des frais d’une intervention en Espagne. Le chemin de fer du nord