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CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

le public les suit et les approuve dans leurs émotions intéressées. Il n’est pas habile de simuler un forum agité au milieu d’une société tranquille et de faire des orages de la tribune un mensonge.

La coalition des partis est factice, et leur décomposition est réelle. Ainsi tous les légitimistes ne suivent pas M. Berryer ; les uns le trouvent trop compromis dans l’opposition, quelques autres pas assez. Le centre droit désavoue les doctrinaires proprement dits, depuis que ces derniers ont découvert leurs passions subversives. Une partie du centre gauche ne s’est pas séparée du ministère, une autre fraction moins nombreuse et plus ardente a voté souvent contre lui. La gauche ne se décompose-t-elle pas en démocratie voulant toutes les conditions de la monarchie représentative, en démocratie plus radicale, enfin en démocratie républicaine ?

C’est la force et le caractère de notre temps que tous ces partis et toutes ces fractions de partis co-existent, se combattent, se balancent, et travaillent sans le savoir peut-être à l’harmonie générale. Aujourd’hui, dans notre société, aucun élément ne peut écraser l’autre, et la prédominance morale ne peut être obtenue que par l’évidence de la raison.

Aussi les partis feront sagement de veiller sur eux-mêmes : la société les juge d’autant plus sévèrement, qu’elle leur accorde plus de liberté, et qu’il n’y a pas péril pour eux à parler ou à écrire. Il y a quatorze ans, les passions politiques luttaient contre la censure légale d’un gouvernement ombrageux ; aujourd’hui, elles comparaissent devant la censure de l’indifférence et de l’ironie publique ; laquelle des deux censures est la plus redoutable ?

C’est une grande force dans notre siècle que la puissance parlementaire. Mais cette puissance si réelle et si nécessaire ne saurait se mouvoir avec trop de mesure et de sagesse ; car sa responsabilité se proportionne à son importance. Les électeurs, le pays, l’opinion publique, la royauté, la regardent agir avec attention, avec respect ; mais ils sont appelés à la juger. La chambre de 1838 est encore maîtresse d’elle-même : elle se servira de sa liberté pour bien mériter de la France.