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le retour aux affaires est marqué dans l’avenir : mais le pays ne connaît qu’une pensée et qu’une institution qui ait le pouvoir de présider toujours à sa destinée, la royauté.

Qui peut mieux comprendre ces choses que M. Thiers avec sa pénétrante sagacité ? Si déjà, il y a deux ans, il s’estimait assez considérable pour accepter la présidence du conseil, et constituer un ministère, croira-t-il aujourd’hui avoir besoin de M. Guizot pour se compléter et se maintenir aux affaires ? Si M. Guizot est nécessaire à M. Thiers, ce n’est pas comme collègue, mais comme adversaire, comme antithèse.

L’intérêt général est d’éviter tout retour en arrière et d’organiser les tendances libérales de notre époque. Dans cette œuvre, un rôle important appartient à M. Thiers. Mais M. Thiers ne doit pas oublier que la patience est aussi de la force et du courage ; il ne se fera pas tribun ; il sera un homme d’état au repos.

Notre époque est si complexe et si mobile, que les mêmes hommes ne peuvent toujours figurer sur la scène ; il y a des intermittences inévitables, même pour les organisations les plus heureuses. C’est beaucoup que de revenir d’intervalle en intervalle donner des signes d’intelligence et de grandeur.

Puisque M. Thiers ne saurait trouver son avenir dans la reconstruction du 11 octobre, la gauche modérée pourrait-elle y prêter les mains ? Ce serait perdre le fruit de deux ans de modération et d’habileté. M. Barrot se croit sans doute appelé à d’autres destinées que de servir à M. Guizot de compère de tribune, de dupe et de victime ?

Il n’y a pas lieu à la dissolution immédiate du cabinet du 15 avril, car la chambre n’a pas l’intention politique de renverser violemment le ministère. Depuis qu’elle est assemblée, la chambre n’a eu que deux volontés, ne pas intervenir en Espagne et convertir le 5 p. 100 ; puis elle s’est essayée dans la gestion des affaires, sans antipathie pour personne, mais avec une inexpérience qui a mis du désordre dans ses votes.

Cependant on peut prévoir une modification dans le cabinet du 15 avril après la session. À son heure, à sa convenance, dans sa pleine liberté, la royauté, consultant les faits, les opinions et les influences parlementaires, reconstituera une administration. Cette intervention constitutionnelle de la couronne ne comporte pas de précipitation, pas plus que le moment venu, elle ne souffre de retard.

Si les hommes qui s’agitent pouvaient retrouver quelques momens de sang-froid pour regarder autour d’eux, ils verraient combien peu