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CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

chef, M. Odilon Barrot, ont sur les autres côtés de la chambre l’avantage d’avoir gardé la même position. Depuis que l’éloquent député de l’Aisne a prononcé, en 1836, ces paroles : Je sais accepter des faits accomplis ; je sais prendre, en politique, un point de départ, et ne pas continuellement recommencer le passé et renouveler des luttes qui sont terminées, il a presque toujours montré une modération et un tact qui le destinent pour l’avenir à la pratique du gouvernement. La sincère élévation des sentimens nationaux qui l’animent lui ont valu l’estime de la France, et le pays le verrait avec joie devenir de plus en plus politique et possible. L’opinion lui rend cette justice, qu’il reste étranger aux petites intrigues, aux roueries parlementaires ; et il semble que M. Barrot a marché d’autant plus vers le pouvoir, qu’il s’est tenu plus tranquille.

On n’a pas manqué, dans le public, de comparer à cette grave attitude l’inquiète pétulance de M. Guizot et de ses amis. Est-ce M. Guizot qui conduit ses amis, ou ses amis le mènent-ils ? Cette anxiété maladive qui le pousse de contradictions en contradictions lui est-elle imposée où naturelle ?

Quoi qu’il en soit, M. Guizot, après avoir annoncé, au commencement de la session, qu’il était satisfait de la conduite et des déclarations du ministère, figure maintenant parmi ses plus ardens adversaires, et trace de la société la plus lugubre peinture.

Dans l’ordre des théories, M. Guizot a écrit, en 1836, un éclatant panégyrique de la philosophie du XVIIIe siècle, et, en 1838, un éloge sans réserve du catholicisme, qu’il présente comme l’ancre immobile et éternelle des sociétés humaines. Voilà pour la consistance du penseur.

Quant à l’homme politique, est-il bien vrai que nous ayons aujourd’hui devant nous, en la personne de M. Guizot, l’auteur de l’allocution aux électeurs de Lisieux ? En quelques mois M. Guizot a passé de la doctrine de M. Fonfrède, de celle de M. Persil, du principe qui veut que le roi règne et gouverne à la fois, à l’omnipotence parlementaire. En 1830, M. Guizot, voulant conserver le pouvoir, proposa, à ses collègues une loi d’organisation des clubs, à laquelle M. Dupin, alors admis au conseil, s’opposa avec toute la force de sa conscience et de toute la puissance de son talent. Quelque temps après, les clubs abattus par l’opinion et justement attaqués de toutes parts, M. Guizot se présenta pour les combattre, portant à la main la bannière de la quasi-légitimité ! En 1834, le maréchal Gérard, devançant la clémence royale, dont la sagesse avait marqué l’époque de l’amnistie, déclara vouloir se retirer si le conseil n’adoptait cette