si remarquable don d’investigation patiente, que de si laborieuses recherches, seront appliquées à l’avenir, par M. Géraud, sur des points sérieusement utiles, et deviendront de la sorte profitables au développement de la vraie science.
Dans le livre de M. Géraud, nous venons de voir le tiers-état payer la taille, acquitter l’impôt ; dans celui de M. Depping, c’est encore le tiers-état, mais le tiers-état organisant ses priviléges de métiers, se créant à lui-même des statuts et des lois. Les jurandes et les corporations, on le sait, ne datent pas seulement du moyen-âge ; elles tinrent une grande place dans l’empire romain, où, libres dès l’abord, elles finirent par tomber sous le contrôle du pouvoir, puis au IVe siècle, au milieu du dépérissement de la vieille société, par n’être plus une garantie, mais un esclavage, comme la curie. Le code théodosien est plein de textes du plus haut intérêt sur cet abaissement des jurandes devenues obligatoires. Au moyen-âge, sous le régime féodal, le seigneur était considéré en quelque sorte comme le maître des métiers ; et à ce titre, on lui payait une somme d’argent, ou on s’engageait à lui livrer une redevance annuelle[1].
À Paris, pour la surveillance à établir sur les métiers, on trouva naturel d’en soumettre plusieurs aux hommes qui les exerçaient à la cour, et qui étaient censés les plus habiles et les plus considérés dans leur profession : ainsi, les boulangers au pannetier du roi ; les forgerons et les charrons, au maréchal de la cour ; les marchands de vin à l’échanson du prince. Dès-lors il s’introduisit une discipline pour chacune des professions ; dans les cas de contestation, on consulta les plus anciens : ils disaient comment on avait agi autrefois, comment ils avaient toujours vu procéder, et les coutumes commencèrent par là à faire loi[2]. » Ainsi se constituèrent insensiblement les maîtrises. Le prévôt de Paris, siégeant au Châtelet, avait sous sa juridiction les artisans et les jugeait selon l’usage. Sous Philippe-Auguste, la prévôté étant devenue vénale, les corporations se ressentirent de cette décadence ; mais Louis IX rendit son premier éclat à la prévôté en y appelant, en 1258, un notable bourgeois de Paris, Étienne Boileau, esprit droit et sain, honnête homme, espèce de Brutus de robe, qui n’hésitait pas à faire pendre un sien neveu accusé de vol. Saint Louis venait, comme sous son chêne de Vincennes, prendre quelquefois place près de lui, au Châtelet. Étienne Boileau n’a pas fondé les corporations de métiers à Paris, comme on l’a écrit trop souvent ; il donna seulement, ainsi que le dit M. Depping, une sanction légale aux usages éprouvés par l’expérience. Les maîtres et les prud’hommes de tous les métiers comparurent devant lui et dictèrent à un clerc, en sa présence, les us et coutumes de chaque corporation. C’est là le Livre des Métiers d’Étienne Boileau, le véritable cartulaire de l’industrie ouvrière. Sa publication, depuis long-temps désirée, est du plus haut intérêt, car les associations