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CONGRÈS DE VÉRONE.

d’hoirie sur l’histoire, tant de tableaux si grands par les illustres acteurs qu’il met en scène, si chétifs et si petits par leurs passions, tout cela est fait pour inspirer à la France une sorte d’immense orgueil d’elle-même. Ce livre aura pour effet de révéler au dernier des cabinets de lecture ce que les hommes politiques savaient seuls, l’universelle terreur qui s’attachait aux moindres mouvemens de la France, alors qu’elle respirait pour la première fois, à peine dégagée de l’étreinte d’airain des deux invasions.

À Vérone sont réunis les mêmes hommes qui, l’année précédente, décidaient avec chaleur, à Laybach, l’invasion des Deux-Siciles, et cependant ils hésitent, ils n’osent vouloir résolument à Madrid ce qu’ils ont si lestement fait à Naples, et leurs ministres en Espagne reçoivent des instructions ondoyantes comme leur volonté. L’horreur qu’ils ont de la révolution aurait-elle diminué ? Nullement à coup sûr : l’esprit réactionnaire ne se contente pas d’un premier succès, et les fureurs des tragalistes ne sont pas de nature à inspirer aux rois des sentimens plus mesurés. Pourquoi donc ces incertitudes, ces projets incohérens, et ces tentatives indirectes en contradiction patente avec le but ? pourquoi, si ce n’est parce qu’il s’agit ici de toute autre chose que d’une expédition autrichienne, et qu’on redoute le réveil militaire de la France presqu’à l’égal du triomphe de la révolution espagnole ? Jamais révélation n’a plus authentiquement constaté, que le Congrès de Vérone, l’importance européenne inhérente à l’action extérieure de la France, même dans ses jours d’abaissement. C’est par là que cet ouvrage est vraiment national, et qu’il agira sur la pensée publique en lui donnant la conscience et la mesure de sa force.

Nous ne conclurons pas précisément de là, comme incline à le faire l’illustre écrivain, que l’Europe réunie à Vérone ne voulait pas la guerre, à laquelle, selon lui, la Russie seule aurait été irrévocablement décidée. Les engagemens pris par M. de Montmorency suffiraient seuls, ce semble, pour constater que l’alliance entendait à tout prix en finir avec la révolution espagnole. Mais la Prusse, l’Autriche surtout, ne se résignaient qu’à contre-cœur, et avec une mauvaise grace extrême, à une guerre faite par la France seule, en qualité de puissance indépendante. Ce qu’elles auraient désiré surtout, selon le mot cité par M. de Châteaubriand, c’eût été de trouver un mode d’exécution qui défrancisât la guerre pour l’européaniser.

On consentait à nous laisser organiser une gendarmerie pour exécuter l’arrêt du tribunal des rois ; mais on se prit à trembler lorsqu’on vit l’héritier de Louis XIV frapper le sol de son sceptre pour en faire