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telles lettres, signées d’un aide-de-camp, ont été admises par la chambre, d’autres où elles ont été adressées par le ministre de l’intérieur. Il s’agissait de la fête du roi, et non d’une communication politique ; les nouveaux convertis à l’omnipotence parlementaire, à la tête desquels on trouve M. Piscatory, ont pris, en cette occasion, l’attitude de Mirabeau répondant à M. de Dreux-Brézé. Il semblait que les libertés publiques se trouvassent menacées par cette lettre d’un aide-de-camp.

M. Arago a enfin présenté son rapport si attendu sur les chemins de fer. M. Arago a trouvé un moyen bien simple de s’élever contre la confection des chemins de fer : il déclare que ces chemins sont dans une si grande voie de perfectionnement, que ce serait une folie que de vouloir commencer aujourd’hui des chemins de fer qui seraient arriérés dans deux ans. L’art du chemin de fer est encore dans son enfance, dit M. Arago ; attendez donc qu’il soit arrivé à sa perfection, et vous vous emparerez de toutes les nouvelles découvertes qui se font à cette heure. C’est à peu près comme si on nous proposait d’aller à pied, parce que les voitures se perfectionnent tous les jours.

Il n’est pas étonnant que le rapport de M. Arago se soit fait attendre. L’immense mérite de M. Arago ne l’a pas préservé de la petite faiblesse commune, dans cette session, à tous les rapports. Il a voulu faire un morceau, élever un monument. Aussi a-t-il fait précéder ses conclusions d’une histoire complète des locomotives. Elle commence au mulet et finit à la machine de Watt. Puis vient l’énumération de tous les perfectionnemens des chemins et des moyens de transport : les voies de M. Brunel fils à sept pieds anglais de largeur, l’élargissement des routes, le système des tunnels, les solutions des courbes par M. Lainel, la réduction du tirage à sept livres par tonne, les perfectionnemens de la chaudière tubulaire par M. Séguin, enfin un rapport qui exciterait un vif intérêt à l’Académie des sciences, mais qui ne saurait être entendu sans distraction, ni même bien compris, à la chambre des députés.

Au milieu de cet appareil scientifique, M. Arago donne la préférence aux canaux, il nie les bénéfices du transit, et ne pense pas que le transit même augmente par la construction des chemins de fer. M. Arago paraît n’avoir pas suivi la marche du commerce, et la question qui s’agite sur les deux rives du Rhin, où il va se décider si les marchandises du Nord traverseront le fleuve et passeront par la France, pour se diriger sur le Midi, ou si elles suivront la rive droite jusqu’à Bâle.

Quant à la partie du rapport de M. Arago qu’on pourrait nommer politique, elle nous semble encore moins concluante en faveur de la commission. Il y est dit que M. Molé proposait une transaction, qu’il offrait de livrer des chemins de fer aux compagnies, et d’en prendre d’autres au compte de l’état. M. Arago avoue « que le désaccord de la commission et du gouvernement pourrait retarder encore d’une année les améliorations que tout le monde réclame. » Or, de qui vient le désaccord, si ce n’est de la commission ?