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qui font naître les discussions et qui les terminent. Ce qui arrive dans tous les cabinets est donc arrivé dans celui-ci. On a différé d’avis, on a discuté, et l’on s’est entendu.

Les divergences d’opinions venaient des antécédens mêmes des différens ministres. Le ministre des finances s’était montré, il y a deux ans, favorable à la conversion, dans un rapport à la chambre, et ses opinions n’ont pas changé. M. de Salvandy faisait partie de la commission dont M. Lacave-Laplagne était rapporteur, et partage ses vues. M. Molé, sans s’être jamais engagé formellement sur cette question, s’est toujours montré, dans ses entretiens, disposé et déterminé à la résoudre. On l’avait souvent entendu dire que cette idée était trop avancée dans les esprits pour la laisser en suspens. À la formation du ministère du 6 septembre, la conversion avait été arrêtée en principe, et les paroles prononcées par M. Duchâtel à la tribune, il y a peu de jours, n’étaient que la répétition et le commentaire des résolutions du conseil à cette époque. M. de Montalivet, sans combattre ouvertement la mesure, avait de graves et justes objections à présenter. M. Barthe s’y montrait opposé. Tel était l’état des esprits dans le conseil ; mais un point sur lequel on était unanime, c’était la nécessité d’un délai, à défaut d’un ajournement.

À ce sujet, les avis étaient encore partagés. On se demandait si la chambre ne serait pas sollicitée de remettre simplement la conversion des rentes, avec engagement de la part du ministère d’apporter un plan de conversion au commencement de la session prochaine, projet qui se présenterait avec l’appui et l’autorité du gouvernement, car une telle mesure ne saurait avoir lieu, d’une manière profitable que par le concours légal des trois pouvoirs. Le vote de la chambre en faveur de la discussion des articles écarta cette résolution, et l’esprit de la déclaration de M. Molé a été dès-lors la règle de conduite que s’est tracée le ministère.

La majorité du ministère actuel était donc favorable à la mesure ; elle la regardait comme un engagement pris, et auquel elle ne cherchait pas à se soustraire. Mais la discussion, dans la chambre et dans la presse, de la proposition de M. Gouin, lui semblait devoir mettre fin à toutes les illusions dont on se berçait. En effet, le résultat a été tel. On ne croit plus que la réduction des rentes soit la découverte d’un nouveau pays d’Eldorado, et qu’une rosée de capitaux va pleuvoir de Paris sur les départemens, dès que le 5 pour 100 aura été diminué d’un demi ou de trois quarts pour 100. La temporisation a déjà produit ces bons effets, et le ministère n’a qu’à s’en applaudir.

En s’engageant à prendre part à la discussion des articles, le ministère a simplement obéi à l’esprit des affaires. Le moment choisi pour cette mesure, qui lui semble bonne au fond, ce moment n’est pas favorable selon lui. Il suffit de désigner, comme difficultés extérieures, l’affaire de la Belgique et du Luxembourg, où un détachement prussien vient de s’emparer, il y a encore peu de jours, d’un village situé dans le rayon stratégique de la forteresse ; les