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REVUE. — CHRONIQUE.

permis de chercher à se rendre compte de ces sublimes élévations au ciel, et de vouloir aller au fond de ces élans philosophiques dont on nous édifie de temps à autre. Eh bien ! qu’on lise un à un tous les mots que nous venons de citer, qu’on les pèse impartialement, et qu’on se demande si la personnalité et le goût de soi-même ne s’y manifestent pas audacieusement, sous la forme pudique des paroles. N’est-ce pas, en d’autres termes, ce qu’on lit ailleurs, sur l’éloignement des affaires où se trouvent quelques capacités qui les ont maniées long-temps ? — C’est en attirant vers le pouvoir, en engageant dans sa cause les esprits élevés, les cœurs fiers, qu’on le relèvera de sa longue faiblesse, dit M. Guizot. — Nommez donc ces esprits élevés et ces ames fières, ayez le courage de vous nommer vous-mêmes ! Dites, une fois pour toutes, que le pouvoir vous est dévolu à jamais, on saura que les circonstances doivent plier devant vous, et puisque vous consentez à retarder la pratique de vos discours, rien ne doit, en effet, retarder votre entrée aux affaires. Vous gouvernerez alors contre vos principes, et en les faisant taire, vous qui êtes adversaire ardent de l’amnistie et de la politique de conciliation, et si cette politique est nécessaire, vous la pratiquerez, contrairement à vos discours ! Vous qui êtes pour l’intervention, vous n’interviendrez pas ! Il est vrai que vous reprochez au ministère actuel de n’avoir pas des opinions assez absolues, que vous lui reprochez son allure indécise ; mais les capacités telles que vous, ne sont pas soumises aux règles qui régissent les simples hommes d’état. Le principal est d’avoir le gouvernement des capacités. Peu importe que leurs actes soient la suite de leurs discours, que les vues élevées en vertu desquelles elles sont des capacités, se réalisent. Les capacités avant tout. C’est tout ce qu’il faut au pays.

Indiquant un remède aussi héroïque, M. Guizot a dû nécessairement voir et montrer le mal en grand. — L’affaiblissement, l’abaissement général du gouvernement et des institutions, — l’affaiblissement, l’abaissement de l’esprit, de la vie et de la moralité politique du pays, — tels sont les symptômes que M. Guizot signale, symptômes déjà effrayans, rien que par l’énormité des mots qu’il emploie pour les décrire. On ne s’attend pas sans doute à voir une discussion politique aussi élevée descendre jusqu’aux faits. Ce n’est pas l’usage de M. Guizot ; mais nous, qui nous complaisons encore dans l’humble terre à terre des affaires, nous serions bien tentés d’opposer à ce tableau, tracé en traits dignes de Rembrandt, une esquisse fidèle de la situation de la France, à l’époque où M. Guizot quitta les affaires, et à l’époque actuelle. Chacun peut la faire, car on n’a pas oublié quelles sombres inquiétudes chargeaient l’horizon, il y a un an, quand la crise du mois d’avril devint la conséquence de tous ces embarras. Aujourd’hui, de l’aveu même de M. Guizot, il n’y a qu’une question au dehors, la question d’Espagne. Nous en voyons plusieurs, nous l’avons dit ; mais quelque obstacle que présentent les affaires extérieures, quelques embarras que M. Guizot et ses amis anciens et récens suscitent au cabinet dans la chambre, il y a loin des difficultés de la conver-