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REVUE. — CHRONIQUE.

que la politique du ministère est fausse, que ses actes passés et présens sont funestes à la France, et que le pays ne retrouvera sa grandeur, son bien-être et sa prospérité, que le jour où l’on changera de route. Mais, dès le début de sa thèse, M. Guizot dut s’apercevoir qu’il n’avait plus les mains libres comme autrefois, et que ses alliances actuelles, assez étroites, quoique momentanées, le gênaient dans sa marche et l’entravaient à chaque pas. M. Guizot s’est toujours montré épris de la force, nous dirions presque de la brutalité du pouvoir. Toutes les fois qu’il s’est trouvé participer aux affaires, qu’il y a été placé en première ligne ou dans une position moins élevée, M. Guizot n’a jamais trouvé la part du pouvoir assez grande. Depuis 1830 surtout, M. Guizot avait suivi cette ligne de conduite sans interruption. Homme acerbe, entier dans sa politique, passionné dans la discussion, M. Guizot avait déployé toutes les qualités propres à faire face aux partis en fureur ; mais la passion de M. Guizot ayant survécu à la violence des partis, il se trouva qu’il n’était plus en harmonie avec l’esprit de la chambre et l’esprit du pays. Il fallut donc se retirer des affaires, pour y rentrer quand les circonstances seraient plus conformes au caractère politique de M. Guizot, ou quand ce caractère se serait modifié selon les circonstances, et approprié aux nécessités du temps présent.

Ce temps est-il venu ? nous ne le croyons pas. Les amis de M. Guizot se sont transformés, et même avec une souplesse remarquable. M. Duvergier de Hauranne a proclamé, dans un écrit, l’omnipotence parlementaire et la suprématie de la chambre des députés sur les deux autres pouvoirs ; M. Piscatory a déclamé contre la cour et les prétentions du château à traiter cavalièrement la chambre, et l’on a vu le parti doctrinaire passer tout d’un bond vers les idées les plus opposées aux principes de l’école. Mais M. Guizot n’a pu suivre ses jeunes et agiles amis ; il est resté en route, et nous le voyons un peu isolé, rappeler au bercail, par son nouvel écrit, ceux qui se sont égarés dans les rangs de la gauche, où les ont vus arriver, avec un sourire un peu moqueur, M. Thiers, M. Passy et M. Odilon Barrot.

M. Guizot, qui a toujours pris tant de peine pour se mettre en règle vis-à-vis de l’opinion, cherche bien à faire encore quelques pas du côté de ses fugitifs, et s’efforce en même temps de justifier leur démarche. Son écrit est ainsi à la fois une exhortation et une apologie. D’abord, et contrairement à ce qu’avancent les organes du côté gauche, et particulièrement le Constitutionnel, où s’évertue une autre sommité bien faite pour balancer l’autorité de M. Guizot, il nie la prétendue grande lutte constitutionnelle qui se serait élevée entre la couronne et la chambre des députés. Grande lutte, en effet, si elle existait, car ou elle nous replongerait dans l’anarchie, ou elle nous ramènerait au bon plaisir et au gouvernement de la cour.

M. Guizot ne voit rien de tout cela dans ce qui se passe. Il entrevoit, il est vrai, et nous, nous voyons clairement, des velléités vaniteuses, il entend des paroles inconsidérées, mais rien de tout ceci ne lui semble sérieux. Nous