Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/45

Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
ORIGINES DU THÉÂTRE.

sées et qui, cependant, se touchent et finissent par se confondre. Je rechercherai dans quelle mesure l’élément aristocratique a contribué à la naissance et aux progrès de l’art théâtral en Grèce, et aussi combien et de quelle manière les fantaisies des grands ont influé sur sa corruption et sa décadence.

i.
Funérailles.
TEMPS HOMÉRIQUES.

Durant la première période de l’histoire grecque, c’est-à-dire, sous les rois de l’époque héroïque ou demi-fabuleuse, la plupart des jeux mentionnés par les historiens, ou plutôt par les poètes, sont des jeux funèbres. Homère signale les joutes qui eurent lieu aux obsèques d’Œdipe et à celles d’Amaryncée, il décrit avec les plus grands détails les jeux qui honorèrent celles de Patrocle et d’Achille. Les plus anciens de ces jeux consistaient en exercices corporels : la course, le pugilat, le tir de l’arc, le jet du javelot ou du disque. La plupart des grands jeux de la Grèce furent institués comme anniversaires de certaines grandes funérailles héroïques. Les jeux néméens rappelaient celles d’Archémore, fils d’Hypsipyle ; les jeux isthmiques, celles de Mélicerte ; Pindare mentionne comme origine des jeux olympiques les joutes annuelles qui avaient lieu autour de l’autel voisin du tombeau de Pélops. À Thèbes, on célébrait des jeux près de la tombe d’Amphitryon et près de celle d’Iolas[1]. Bientôt on joignit aux jeux corporels des concours de musique et de poésie. La mort de Linus fut pour les Thébains l’occasion d’une cérémonie annuelle où l’on faisait entendre un chant lugubre qui portait le nom de ce poète-musicien[2]. Homère introduit les neuf Muses autour du bûcher d’Achille et il fait chanter un chœur de poètes (ἀοιδοί) près des restes d’Hector. Vraie ou fausse, la tradition de la lutte poétique d’Homère et d’Hésiode aux funérailles d’Œlicus de Thessalie et à celles d’Amphidamas de Chalcis prouve l’antiquité de ces concours[3]. Il faut en dire autant du prix de poésie offert par Acaste, l’un des Argonautes, en mémoire de Pelias son père, et remporté, dit-on, par Sibylla[4] ; Hygin nous a laissé le catalogue de plusieurs de ces jeux funèbres et les noms de ceux qui y furent couronnés.

Un autre usage caractérisait les funérailles de cette première époque ; toutes étaient accompagnées de meurtres. On croyait les mânes altérés de sang et particulièrement avides de celui de leurs amis et de leurs ennemis. Fréret a rassemblé beaucoup de passages des auteurs anciens qui prouvent l’existence de cette idée superstitieuse[5], d’où s’est formée chez quelques

  1. Pindar., Olymp., ix, v. 148, seqq.
  2. Herodot., lib. ii, cap. LXXIX. — Pausan., Bœotic., cap. XXIX, pag. 766.
  3. Plutarch., Sympos., lib. v, quæst. 1.
  4. id., ibid., quæst. 2. — Pausan., Lacon., cap. XVIII, pag. 257 ; Eliac., cap. XX, pag. 505.
  5. Mém. de l’Acad. des Inscript., tom. XXIII, pag. 182, seq.