pérer, et aider du geste et de la voix les écrivains consciencieux qui tentent avec labeur la bonne voie. Déjà le vrai public littéraire a éprouvé un vif plaisir à l’apparition des romans de Mme Sand, du Stello de M. Alfred de Vigny, du livre de Volupté de M. Sainte-Beuve, et de l’Eugénie Grandet de M. de Balzac ; il a applaudi au développement des caractères et à l’analyse des passions que ces ouvrages renferment. Aujourd’hui il nous est encore agréable de pouvoir lui signaler, comme étant dans la route du vrai roman, les premiers pas de M. Léon de Wailly.
Le livre de M. de Wailly est basé sur un personnage réel, et sur un fait de la vie de ce personnage. Angelica Kauffmann est une jeune fille qui vécut en Angleterre et y fut célèbre comme peintre dans les trente dernières années du XVIIIe siècle. L’histoire de sa vie, écrite à Florence en 1810 par Gherardo de Rossi, et la Biographie universelle, disent qu’elle naquit à Coire dans le pays des Grisons, d’un peintre tyrolien qui menait une vie errante. Son père, Jean-Joseph Kauffmann, étonné de ses dispositions précoces pour le dessin et la musique, la conduisit à Rome. Là elle fit des progrès rapides dans ces deux parties de l’art, et s’étant rendue plus tard à Londres, à la sollicitation d’une grande dame anglaise, ses succès comme peintre y furent si brillans, que George III voulut qu’elle fit son portrait et celui de tous ses enfans. Elle était douée d’agrémens personnels très séduisans. À voir son portrait gravé par Bartolozzi, lequel existe en tête de son œuvre, au cabinet des estampes de la Bibliothèque royale de Paris, on conviendra qu’il est difficile de rencontrer une physionomie plus douce, plus fine et plus élégante. Sa manière de peindre n’était pas très sévère, ses compositions se ressentaient un peu de l’affectation et du mauvais goût qui régnaient alors dans les écoles d’Italie ; mais il y avait de la facilité, de la grace et de l’invention, et sa touche brillante et moelleuse ne manquait pas de largeur. Sa beauté et ses talens lui attirèrent bientôt une foule d’hommages. Elle fut en rapport d’amitié, ou en relation avec un grand nombre d’hommes distingués de la société anglaise. Jusqu’ici les biographes s’accordent, mais ils se séparent à l’occasion d’un évènement malheureux qui lui arriva au plus beau moment de ses triomphes à Londres. Les uns disent que, sous le titre de comte de Horn, un intrigant, venu de Suède, et introduit, on ne sait comment, dans le grand monde, fit la cour à la jeune artiste, dans la vue de s’emparer de sa fortune, et parvint, à force de fourberies, à obtenir sa main. Les autres prétendent qu’un baronnet artiste, et membre du parlement, rechercha vainement Angelica en mariage et voulut venger son amour-propre humilié de la manière suivante. Il aurait pris dans les bas rangs du peuple un jeune homme porteur d’une belle figure, l’aurait mis à même de paraître richement dans le monde, et l’aurait stylé à jouer le rôle d’un gentilhomme épris des charmes et des talens d’Angelica. La jeune fille aurait été dupe de cet artifice, elle aurait donné son cœur et sa main au fourbe déguisé, et le mariage à peine conclu, le baronnet rebuté se serait hâté de dévoiler son manége. Les deux versions sont présentées d’une manière tellement vague et incertaine, que l’on a peine à y