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SALON
DE 1838.

I.

De vieux historiens nous racontent que dans les premières années du IVe siècle, l’empereur Constantin, voulant relever un temple grec tombé en ruine, les architectes qu’il chargea de la besogne placèrent les colonnes à l’envers. Ces architectes étaient cependant des gens habiles, mais les gens habiles d’une époque de décadence. De nos jours, une école de peinture a voulu restaurer l’art antique, et elle a fait comme les ouvriers de Constantin : elle a confondu la base avec le chapiteau de la colonne, le bas-relief, base des arts d’imitation, avec la peinture, qui en est le point culminant. La peinture, en effet, c’est le bas-relief plus la profondeur, le mouvement, la couleur, l’air, la vie en un mot. Au lieu de se servir de l’antique à la façon des écoles italiennes, pour arriver à un progrès dans le beau ou au beau moderne, on trouva plus simple de reproduire les monumens de l’art antique. À défaut de tableaux grecs ou romains on copia les statues grecques ou romaines. Voulait-on peindre un beau garçon un peu efféminé, on copiait la voluptueuse figure du Bacchus aux grands yeux ; un jeune vainqueur tout glorieux de son triomphe, on copiait l’Apollon ; un athlète robuste, un vigoureux bourreau, on copiait le gladiateur ou le Thésée ; la toge du Tibère du Vatican habillait tous les Romains ; toutes les femmes belles et amoureuses ressemblaient à la Vénus, toutes les filles prudes à la Diane, toutes les matrones impérieuses à la Junon, toutes les beautés calmes et réfléchies à la mélancolique et rêveuse Polymnie. La disposition des figures des bas-reliefs se rapprochait plus encore que les statues de la disposition des figures d’un tableau ; on étudia surtout les bas-reliefs. Non-seulement on copia les formes et les proportions de ces figures, on copia même leurs attitudes. L’expression et le mouvement