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HOMMES D’ÉTAT DE L’ANGLETERRE.

constances, sous la direction d’un ministère décidé à maintenir la paix, comme le plus cher de nos vœux et le premier intérêt de notre patrie.

À l’avènement de la reine, lord Durham reparut en Angleterre. L’ascendant bien connu qu’il exerçait dans les conseils de la duchesse de Kent, mère de notre jeune souveraine, fut alors un motif de plus pour faire espérer à ses amis qu’il ne tarderait pas à être revêtu de fonctions éminentes dans l’administration intérieure du pays, et on ne saurait nier que sa première démarche ne fût de nature à encourager cet espoir. Je veux parler de la lettre qu’il adressa, peu de temps après son retour, à un de ses amis politiques dans le comté de Durham, lettre destinée à la publicité, et qui réunissait tous les caractères d’un programme ou plan de conduite de son auteur sous le nouveau règne. Le langage de lord Durham s’y montrait, pour la première fois, empreint de cette réserve, de ces timidités, de ces ménagemens que les hommes d’état s’imposent après les extravagances de leur jeunesse, quand ils se croient aux portes du pouvoir. Lord Durham déclarait qu’il restait fidèle à ses grands principes du vote au scrutin secret, de la franchise électorale étendue à chaque citoyen domicilié, et de la triennalité des parlemens ; mais il déclarait aussi, en termes bien différens de ceux qu’il avait employés trois ans auparavant à Édimbourg, qu’il ne voulait pas presser le pays de résoudre ces questions, tant que la majorité ne serait pas acquise à des innovations si révolutionnaires, décidé à soutenir le ministère, sans le pousser à des tentatives qu’il n’avait peut-être pas la force d’accomplir. Ces doctrines de modération, si nouvelles dans la bouche de lord Durham, étonnèrent amis et ennemis. La portion la plus prudente des radicaux, ceux qui ne voulaient pas se séparer des whigs, dispensateurs actuels de la fortune et des faveurs, exaltèrent la sagesse de leur chef et manifestèrent l’intention de se conformer à ses avis. Mais il se forma, dans le sein du même parti, une minorité violente qui l’accusa hautement de s’être laissé corrompre par sa nouvelle position de cour, et recommença à proclamer que la cause des peuples ne devait pas compter sur les grands de la terre dans la lutte qu’elle avait à soutenir. Les radicaux de la législature actuelle se sont donc divisés en deux sections : la majorité, qui comprend M. O’Connell avec les membres irlandais, et lord Durham avec ses partisans, appuyant le ministère ; et une minorité faible, mais audacieuse, sans chef et sans but nettement défini, mais résolue à s’allier, s’il le faut, avec les tories, pour amener enfin la ruine du juste-milieu.