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vention de notre diplomate et de notre diplomatie n’adoucit en rien le rigoureux système d’administration organisé par le conquérant de la Pologne contre cette nation infortunée.

À son retour en Angleterre, lord Durham reprit dans le cabinet sa place de lord du sceau privé. Mais ses différends avec quelques-uns de ses collègues et surtout avec lord Brougham ne firent que s’envenimer de jour en jour davantage, pendant la dernière période de leur trompeuse alliance. Ce qui contribua principalement à éloigner lord Durham, ce fut la politique adoptée par le ministère envers l’Irlande, et qui enfanta le fameux bill de coercition de 1833 : sa retraite est du mois de mars de la même année, et, à cette occasion, le roi lui accorda le titre de comte. Peut-être, sans le mauvais état de sa santé, qui ne se rétablissait point, eût-il encore tardé quelque temps à résigner ses fonctions ministérielles ; mais il ne s’entendait pas assez bien avec ses collègues pour échapper long-temps à cette pénible nécessité.

Lord Durham rentra donc dans la vie privée aux acclamations unanimes de tout le parti radical, et, à mesure que le ministère whig se dépopularisait auprès de ses anciens amis, le gendre de lord Grey voyait chaque jour davantage tous les yeux se fixer sur lui comme le chef futur d’une administration nouvelle et plus libérale, redoutée par les uns, saluée d’avance par les autres avec la plus vive allégresse, attendue par tous. Dans le cours de l’année suivante, il reparut un instant sur les bancs de la chambre des lords, et ce fut uniquement pour combattre et harceler son beau-père sur la question du renouvellement de ce bill de coercition irlandaise, qu’il avait déjà repoussé en qualité de membre du cabinet : question, au reste, qui devait amener plus tard la dissolution du ministère de lord Grey et l’avènement de lord Melbourne au pouvoir. Il y reprit aussi sa vieille querelle avec Brougham, qui était encore lord-chancelier. Brougham s’était donné, à cette époque, le singulier rôle de chef de l’élément conservateur, ou du torysme mitigé, dans le sein du cabinet de la réforme ; il saisissait avidement toutes les occasions d’amener une espèce de pacification trompeuse entre les whigs et ses anciens ennemis, et il épuisait les ressources de son esprit, les forces de son éloquence, en diatribes et en sarcasmes contre ceux qui ne jugeaient pas à propos de s’arrêter précisément au même point que lui, et en même temps que lui, dans la voie des innovations. Mais, outre cette disposition générale, il y avait dans l’orgueil et dans la raideur hautaine de lord Durham quelque chose d’irritant pour la vanité du lord-chancelier,