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Cette émission périodique ne nuit pas à celle d’ouvrages plus étendus. Ainsi il a personnellement livré à l’impression et fait distribuer gratuitement ; 1o  Lectures on a new state of society ; 2o  Essays on the formation of human character ; 3o  Six lectures delivered on Manchester, résultat d’un tournoi théologique qu’il eut à soutenir contre un brillant défenseur du dogme chrétien, le révérend Roëbuck ; 4o  Outline of the national system ; 5o  The Book of the new moral World, sans compter un nombre inappréciable de petits imprimés ou tracts, distribués à la main et répandus dans tout le royaume. Quant aux commentaires de son système, il en est peu que M. Owen avoue et accepte ; les livres de MM. Abram Combe, Allen, Thompson et James Braby font seuls exception à cette défiante réserve.

Dans ses plans de propagande universelle, M. Owen devait songer à l’Europe continentale et à la France surtout. Nous l’y avons vu l’été dernier. Sachant à peine quelques mots de notre langue, il s’y trouva fort emprunté, surtout quand il s’agit d’aborder, dans une discussion publique, des questions de philosophie transcendante et d’économie sociale. Peut-être eût-il renoncé à cette tâche impossible, s’il n’eût rencontré à Paris des amis dévoués et des interprètes intelligens dans MM. Jules Gay, le docteur Évrart et Radiguel. Grâce à eux, il put se faire entendre deux fois à l’Athénée : une troisième séance, désignée pour l’Hôtel-de-Ville, dans la salle Saint-Jean, n’eut pas lieu par suite d’un malentendu. Avant cette époque, on ne connaissait guère ses travaux que par quelques articles de journaux et par les livres de MM. de Lasteyrie, Joseph Rey et Lafon-Ladébat. Mais cette suite d’études, incomplètes d’ailleurs, s’arrêtait à la première phase de la vie de M. Owen, aux expériences de New-Lanark et de New-Harmony. Il avait, devant un public français, à compléter ses vues et à justifier son procédé. C’est ce qu’il essaya de faire, et c’est ce qu’il compte achever dans un prochain voyage.

Aujourd’hui, malgré sa persévérance, M. Owen nous semble atteint de cette lassitude qui frappe les plus patiens et les plus fermes, quand ils voient le but reculer incessamment devant leurs efforts. Entré dans la lice avec des résultats patens, avérés pour toute l’Europe, il n’a jamais pu ni les dépasser ni même les atteindre une seconde fois. Aussi s’en prend-il aux instrumens de la stérilité de son œuvre, et, ne pouvant accuser sa méthode, accuse-t-il les hommes, rebelles à ses fins. Certes, si la bienveillance la plus angélique, la charité la plus vraie, le désintéressement le plus profond, la sincérité la plus hardie, suffisaient pour rehausser la valeur d’une conviction, et pour lui créer