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HOMMES D’ÉTAT DE L’ANGLETERRE.

enfantés jusqu’alors par les whigs ; et cependant M. Lambton était loin de se proclamer radical. Ce titre n’avait pas encore conquis sa popularité, et les plus aventureux réformateurs du parti aristocratique n’osaient pas encore s’en glorifier. Les bases du système proposé par M. Lambton étaient l’extension du droit électoral à tous ceux qui habitaient une maison entière, l’extinction de la franchise des bourgs pourris, et le transport aux grandes villes du privilége qu’on enlevait à ces derniers ; enfin, la triennalité des parlemens substituée à la durée septennale. Ce plan fut peu goûté, et réunit à peine quarante voix en sa faveur. Néanmoins il a maintenant une certaine valeur historique, puisqu’on peut à bon droit le considérer comme le germe de ce bill de réforme qui devait, dix ans plus tard, se produire à la suite d’une crise politique aussi étendue que décisive.

M. Lambton reçut, en 1828, le titre de baron Durham. Le ministère expirant de lord Goderich voulait, avant de succomber, laisser à ses alliés du parti whig quelques témoignages de sa reconnaissance pour l’appui qu’ils lui avaient prêté. M. Lambton y avait des droits ; mais cette faveur s’adressait bien plus encore à lord Grey, dont il était le gendre, et qui avait soutenu de son nom et de ses talens le ministère de M. Canning et celui de lord Goderich, sans prétendre partager le pouvoir avec eux. Ce fut ainsi que M. Lambton passa de la chambre des communes dans la chambre des lords, où il demeura ensuite quelque temps un peu à l’écart du mouvement politique.

Mais à la formation d’un ministère whig, en 1830, lord Durham entra comme lord du sceau privé (lord privy seal) dans le cabinet, que devait diriger le vénérable lord Grey ; et c’est alors seulement qu’il parut en première ligne sur la scène. Jusqu’à cette époque il n’avait joué qu’un rôle subalterne dans les évènemens de son siècle. L’importance qu’il avait dans son parti provenait plutôt de ses grandes richesses et de son influence territoriale, que de ses qualités personnelles. Cependant la constance de ses opinions, la fermeté de ses principes, cet inviolable attachement à son parti qui avait toujours caractérisé sa conduite, en faisaient aux yeux de ceux avec qui il marchait, un homme de plus de valeur, et lui assuraient dans leurs rangs une plus haute considération que ne le soupçonnait le public en s’attachant aux simples apparences. Il est certain d’ailleurs que vers le temps où il entra au ministère, son esprit ardent et son caractère impérieux lui avaient déjà donné un grand ascendant sur les déterminations et la conduite politique de son beau-père.

Lord Grey ne prenait pas une mesure hardie, ne faisait pas une