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LE PEUPLE AVANT LES COMMUNES.

principe, n’a pas ce caractère de noblesse et de générosité avec lequel on la représente. Je ne vois presque rien de commun, au moins dans les causes, entre la révolte des citoyens libres de l’antiquité contre la tyrannie, et le soulèvement des serfs et des mercenaires du moyen-âge contre leurs seigneurs. L’amour de la liberté et de la patrie est l’ame des premiers ; la misère seule n’a que trop souvent suscité les seconds. Là, on combattait surtout pour les droits politiques, pour les droits du citoyen ; ici, pour les droits naturels et pour la propriété. Dans la plupart des plus anciennes chartes de communes, les intérêts purement matériels sont les seuls sentis et réclamés par les révoltés pourvu que ceux-ci obtiennent de vivre à l’abri des extorsions et des mauvais traitemens, ils feront bon marché du reste. Leurs traités ou pactes avec leurs seigneurs, sont des espèces d’abonnemens, d’après lesquels ils abandonnent une part de leur avoir et de leurs droits pour mettre l’autre part en sûreté. Quant au côté politique ou moral de leur cause, ils ne l’aperçoivent même pas ; ils respectent partout les prérogatives de la noblesse comme une chose naturelle et sacrée, et subissent de bon cœur des conditions qui nous paraissent dégradantes, et qui sont autant de témoignages du sentiment qu’ils avaient alors, non-seulement de l’inégalité de leurs droits et de leur infériorité sociale, mais encore de leur abjection en présence de l’habitant du château. Il y a donc une grande différence entre les institutions municipales qui remontent aux Romains, et les institutions communales qui ne datent que des successeurs de Hugues Capet. Les premières sont vraiment romaines et les secondes purement féodales ; les unes rappellent la cité, et les autres le fief. D’un côté nous voyons des serfs émancipés, mais soumis à des obligations entachées d’une origine et d’un caractère servile ; de l’autre, nous voyons des hommes, des citoyens libres, et, quoique souvent écrasés par les impôts, ne supportant d’autres charges que celles de l’état, et ne devant d’autres services que des services publics. Cette question de la formation des communes ne semble pas avoir été bien comprise, même par des écrivains très distingués. Nous venons de dire qu’en principe, ce ne fut ni une question de liberté pour le peuple, ni une question de restauration municipale pour les villes ; nous devons ajouter que ce ne fut pas davantage une affaire d’argent pour les rois. En effet, par cela seul qu’il accordait ou confirmait une charte de commune, le souverain reconnaissait l’existence et les statuts d’une association composée de la réunion des habitans d’une ville ou d’une paroisse, et couvrait celle-ci de la protection royale. La nouvelle so-