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DE L’ÉTAT
DES
PERSONNES ET DES TERRES

EN FRANCE

avant l’établissement des communes.

Rien de plus divers, rien de plus discordant, de plus hétérogène, que les populations, les états, les intérêts, les institutions dont se composait la société, en France, pendant les quatre premiers siècles de la monarchie. Il y avait d’abord des peuples conquérans et des peuples conquis : il y avait des Saliens, des Ripuaires, des Bourguignons, des Allemands, des Visigoths et des Gaulois ou des Romains ; il y avait ensuite des hommes libres, des colons et des serfs ; il y avait en outre plusieurs degrés dans la liberté et dans la servitude. L’inégalité se reproduisait pareillement sur le sol : selon que les terres étaient franches, dépendantes ou en servitude, elles composaient des alleus, des bénéfices ou des tenures ; de plus elles avaient chacune des coutumes et des usages particuliers, suivant les maîtres et suivant les pays.

Il y avait donc partout diversité et inégalité ; et comme nulle part rien n’était réglé, ni contenu, ni définitif, il y avait lutte et guerre partout. Enfin, et c’est ce qui rendait la position plus pénible, il n’y avait, dans tout ce que je viens de nommer ici, rien qui ne fût corrompu, dégénéré, usé ; rien qui présentât un principe de vie, d’ordre et de durée : c’étaient tous des élémens de barbarie et de destruction. Les peuples que la Germanie vomit sur la Gaule ne sont plus les peuples décrits par Tacite[1] ; leurs vertus, s’ils en eurent, ils les

  1. Si je distingue ici les Germains de Tacite de ceux qui conquirent la Gaule, je n’ai pas pour