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l’ordre de quitter Stockholm, sans prendre congé du prince ni de la cour. Ainsi, non-seulement toutes relations d’amitié entre la France et la Suède se trouvaient rompues au commencement de février 1812 ; mais on peut dire qu’elles étaient passées de l’état de paix à l’état d’hostilités ouvertes.

Cependant l’empereur venait de conclure ses alliances avec l’Autriche et la Prusse : ses ordres pour la marche de ses armées étaient donnés : tout s’ébranlait : nos grandes masses d’infanterie et de cavalerie s’avançaient de l’Oder sur la Vistule : la guerre était presque déclarée : Napoléon était sur le point de quitter sa capitale et de se rendre à Dresde, lorsqu’un dernier effort fut tenté pour rapprocher la France et la Suède et les unir par un traité d’alliance.

Laquelle des deux puissances prit l’initiative dans la négociation qui s’ouvrit alors entre elles ? C’est là un point d’histoire qui reste encore enveloppé de mystères. Ce qui est hors de doute, c’est que l’épouse de Bernadotte se trouvait à Paris dans les premiers mois de 1812, et que ce fut par son intermédiaire que l’empereur fit connaître au prince royal ses propositions. Tout porte à croire que ce ne fut point accidentellement que cette princesse se trouva chargée d’un rôle dans la négociation qui s’ouvrit alors, et que son voyage en France n’y fut point étranger. Le 6 mars, elle écrivit, sous la dictée du duc de Bassano, les propositions suivantes :

L’empereur consentait à offrir son alliance à la Suède aux conditions qu’elle attaquerait la Finlande avec 30,000 hommes, et qu’elle déclarerait la guerre aux Anglais. La France, de son côté, prendrait l’engagement de ne point signer la paix qu’elle n’eût fait restituer la Finlande à la Suède. Entraînée à des dépenses immenses, il lui était impossible de lui donner des subsides en argent ; mais elle consentirait à recevoir à Lubeck et à Dantzick pour 20,000,000 de denrées coloniales appartenant à ce royaume.

Bernadotte rejeta ces offres. Dans une lettre qu’il écrivit à la princesse, le 28 mars, il insista sur les difficultés pour la Suède de débarquer une armée en Finlande, ayant devant elle des escadres anglaises, comme d’envoyer cinquante vaisseaux dans les ports d’Allemagne pour y porter les 20,000,000 de denrées coloniales que la France lui offrait d’acheter.

Sans doute, ce prince n’attendait que le dernier mot de l’empereur pour prendre un parti, car les offres de Napoléon portent la date du 6 mars, et le 24 du même mois, il signa avec la Russie et l’Angleterre un traité d’alliance par lequel elles lui garantirent la Norwège. Sa lettre à la princesse du 28 du même mois fut certainement écrite sous l’influence de cette décision. La négociation avec la France n’en continua pas moins, soit que le prince se crût libre encore et qu’il eût voulu tenter un dernier effort pour se rattacher à sa première patrie, soit qu’il trompât tout le monde, et qu’il espérât se faire acheter plus chèrement par la France qu’il ne l’était déjà par l’Angleterre et la Russie : en mai 1812, M. Signeul, consul suédois en France, fut chargé de porter à l’empereur ses dernières conditions :

La France autoriserait la Suède à s’emparer de la Norwège. Le Danemark